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Moi, Nadine Picard
Muriel Cypel fait revivre sur scène un sacré personnage du XXème siècle : la grande actrice Nadine Picard !
Moi, Nadine Picard est née d’une rencontre heureuse entre la vedette de l’Entre-Deux-Guerres et l’auteur Pierre Barillet (Fleur de Cactus, Le Don d’Adèle, Lily et Lily…). En 1945, à l’occasion d’une lecture radiophonique de sa première pièce Les Héritiers, le jeune dramaturge fait la connaissance de cette comédienne, qui, à bientôt 50 ans, règne sur la vie parisienne. Ils deviennent amis et l’auteur ne cessera dès lors de lui rendre visite. Leurs conversations lui inspireront ce monologue éponyme, qui témoigne d’une époque faste du théâtre et du cinéma français en mêlant les anecdotes cocasses et les expressions fleuries.
Pierre Barillet : « Je m’avouai, contre toute logique, que je l’aimais bien, ne serait-ce que pour sa personnalité haute en couleur, ses formules à l’emporte-pièce, son vocabulaire émaillé de barbarismes imprévus qui me divertissaient toujours, et parce qu’elle m’aimait bien aussi. »
De fait, le public prend la place d’un jeune homme qui entreprend d’écrire les mémoires de Nadine Picard. On se retrouve dans un 500 mètres carrés de l’avenue Foch, où les toiles de maître aux murs encadrent un portrait triomphant de la comédienne. Il faut dire que Madame n’est « pas quiconque » !
Sa carrière est immense. Elle ne débute pas dans les revues de Rip comme Arletty, mais dans Le Mariage de Figaro à l’Odéon. Elle enchaîne ensuite les rôles au théâtre et au cinéma. Elle participe aux créations du Mariage de Monsieur le Trouhadec de Jules Romains (mis en scène par Louis Jouvet en 1925), du Sexe Faible d’Édouard Bourdet (adapté en film après des centaines de représentations), du Voyageur sans Bagage de Jean Anouilh (mis en scène par Georges Pitoëff en 1937). Elle donne la plus réplique aux plus grands : Charles Vanel, Fernandel, Pierre Brasseur…
Dans sa seconde vie mondaine, elle reste sur le devant de la scène. A l’écouter, elle fait et défait les carrières : Jean-Paul Belmondo, une actrice avec « un tarin comme un quart de brie » qu’elle envoie se faire raboter le pif chez son chirurgien… Jusque dans la haute-couture : « Christian Dior, c’est moi ! », déclare-t-elle. Après tout, elle est l’incarnation du chic et de l’élégance à la française. Le luxe est son art-de-vivre.
« L’homme qui sait habiller une femme est plus précieux que celui qui la déshabille.»
Chez elle, on croise le Tout-Paris. Elle regarde le tableau des convives à sa table comme le plus beau des castings. On rencontre aussi les personnages de sa vie. Il y a son mari, le richissime et débonnaire industriel Fayol. Sa soeur aînée Gisèle, pingre et envieuse. Jean-Claude, son amant, qui se suicide par peur de vieillir et de la décevoir. Et puis, son chat.
Enfin, on replonge dans une époque que même les plus de vingt ans ne doivent pas connaître… On revoit Montmartre en ce temps-là : Joséphine Baker, Mistinguett, le grandiose et modernisme Théâtre Pigalle, construit par Henri de Rothschild pour sa maîtresse Marthe Régnier et qui fut rasé pour faire un parking…
La vieille actrice, elle, ne se laisse pas abattre (« je crois pas au bon Dieu, je crois à la vie ! »). Après le décès de Gisèle, quand l’héritage vient encore augmenter sa fortune, elle lâche :
« C’est dommage que ça me tombe dessus maintenant, j’aurai pas le temps de tout dépenser… »
Muriel Cypel a été l’élève de Raymond Girard, puis la condisciple d’André Dussolier et d’Isabelle Huppert au cours Jean-Laurent Cochet. Vous avez pu la voir notamment dans Le Bateau pour Lipaïa au Théâtre Martigny ou dans Le Demi-Monde d’Alexandre Dumas fils, dans une mise en scène de Caroline Darnay (Amok, Opus Coeur, Au bonheur des dames..), qu’elle retrouve pour cette création de Moi, Nadine Picard.