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La Traversée de Paris : « Salauds de pauvres ! »

La Traversée de Paris film Claude Autant-Lara Bourvil Jean Gabin Salauds de pauvres

Jean Gabin dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara : « Salauds de pauvres ! »

Pendant l’Occupation, Marcel Martin (Bourvil), un chauffeur de taxi au chômage, survit grâce au marché noir. Il trafique avec l’épicier Jambier (Louis De Funès), qui lui confie la livraison d’un cochon. Privé de son complice habituel, il propose à un inconnu, un certain Grandgil (Jean Gabin), de l’aider à transporter les valises qui contiennent la précieuse viande. Seulement, son acolyte d’un soir est un curieux personnage au caractère bien trempé, qui lui réserve quelques surprises… Dans cette scène, les deux compères se cachent dans un bar pour échapper à la police. Comme les patrons et la clientèle menacent de les « jeter aux flics », Grandgil laisse éclater sa colère dans une tirade d’anthologie (la vidéo suit le texte) :

GRANDGIL : Mais, c’est qu’il nous jetterait aux flics, ces braves gens-là, hein !

LA PATRONNE : Et après ? M. Paul, voulez-vous aider mon mari à mettre ces colis sur le trottoir ?

GRANDGIL : Bas les pattes, bon dieu ! Ces machins-là, c’est pas fait pour les pauvres !

LE PATRON : Ah, écoutez, monsieur, partez sans histoires. Ici, c’est une maison tranquille.

LA PATRONNE : Et honnête !

GRANDGIL : Honnête ? Seulement, t’emploies des Juifs dans un établissement public, hein !

LE PATRON : Ah, mais je ne l’emploie pas ! Elle me rend service !

GRANDGIL : Ah ! Parce que tu l’exploites en plus ! Dis donc, j’ai bien envie de te dénoncer, moi, pour t’apprendre à vivre ! Tu vois, on fait des lois, alors à quoi ça sert si on les respecte pas ! Racaille, va !

MARCEL : Eh, laisse tomber… Ecoutez pas ce qu’il dit…

GRANDGIL : Des gens qui n’ont pas plus de conscience que ça, moi ça me révolte ! Saloperie, va ! Je te fouterai tout ça en prison, moi ! Parfaitement, pas de pitié, allez en prison ! Voyous, anarchistes, mauvais Français ! Et puis d’abord, vos noms ! Âge, situation de famille et tout… Allez, hop, déballez ! Hop !

LE PATRON : Couronne, Alfred. Né le 23 septembre 83 à Aubenas, Ardèche. Et Couronne, Lucienne. Née Grenet, 49 ans, sans enfant. Employé à la halle aux vins jusqu’en 1937… Condamnation : néant. Situation militaire…

GRANDGIL : Suffit, j’en sais déjà de trop ! Non mais regarde-moi le mignon, là, avec sa face d’alcoolique et sa viande grise avec du mou partout, du mou, du mou, rien que du mou ! Mais tu vas pas changer de gueule un jour, toi, non ?! Et l’autre, là, la rombière, la gueule en gélatine et saindoux. Trois mentons, les nichons qui déballent sur la brioche. 50 ans chacun, 100 ans pour le lot, 100 ans de conneries !

MARCEL : Ah… Où est-ce qu’il va chercher tout ça…

GRANDGIL : Mais qu’est-ce que vous êtes venus foutre sur Terre, nom de dieu ?! Vous n’avez pas honte d’exister, hein ?! Tais-toi ! Tais-toi ! (Il jette son verre sur l’étagère à alcools du bar, et encourage Marcel.) A toi ! Et ben allez  vas-y ! Allez vas-y mon joli ! Vas-y mon petit prince ! Ben vas-y bon dieu, c’est ton droit ! Tu vois bien qu’ils disent rien ! Allez ! Allez ! Allez ! (Les clients s’approchent doucement de la sortie.) Ah, les voilà, tiens ! Tu sais où ils vont, Martin ? Bah ils vont prévenir les flics ! Oh, mais arrêtez, j’ai beaucoup mieux que ça pour vous, moi ! Vous êtes quatre hommes avec des bras, nous on est que deux ! Qu’est-ce que vous attendez pour foutre le camp avec nos valises ? Hein ? Allez, reniflez-moi ça, sentez-moi ça si ça sent bon ! Vous qui mangez que du boudin à la sciure et buvez l’eau du robinet ! Vous avez à bouffer pour trois semaines là-dedans ! Et ben allez-y, quoi ! Vous savez bien qu’on n’ira pas se plaindre ! Et ben, qu’est-ce que vous attendez ? Hein ? Alors, allez-y ! Regarde-les, tiens… ils bougent même plus. Puis après ça, ils iront aboyer contre le marché noir… Salauds de pauvres ! Et vous, là, affreux, je vous ignore, je vous chasse de ma mémoire, je vous balaie !

La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara (1956). Voir notre liste complète de textes et de scènes de théâtre et de cinéma (pour une audition ou pour le plaisir).

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