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En 1993, Laurent Terzieff reçoit le Molière du metteur en scène pour Temps contre temps (adaptation française de la pièce Another time de Ronald Harwood) et prononce un discours sur sa conception du comédien dans une époque de plus en plus technologique.
Je voudrais juste dire quelques mots sur ce que représente, pour moi, à notre époque, l’acteur de théâtre.
L’acteur de théâtre est un acteur non enregistré.
L’acteur de théâtre se remet en question tous les soirs : il provoque de la part du public un consensus, différent chaque soir, sur le sens de la pièce et la valeur de son travail, parce que l’acteur de théâtre n’est pas le même acteur d’un soir sur l’autre, et que le public non plus n’est pas le même.
Je ne pense pas qu’il existe de méthode universelle pour jouer la comédie, et l’acteur de théâtre se doit d’inventer une méthode nouvelle pour chaque rôle.
Il peut avoir des principes, voire une éthique, il ne dépend que d’une seule loi : convaincre. Et il ne dispose d’aucun support technologique pour cela.
Il doit pouvoir se glisser entre l’inconscient de l’auteur et le filtre de son écriture.
Il doit pouvoir mener sa propre enquête sur ce qui a dû se passer entre l’inspiration souvent mystérieuse de cet auteur et la mise en mots de son texte : être l’artisan incarné de cette alchimie.
Contrairement à ce que demande souvent le cinéma, il n’est pas le photographe de la vie, la vie, il la transcende ! Il en est la caisse de résonance.
A une époque informatisée jusqu’au paroxysme, où le consommateur d’images s’apparente de plus en plus à une foule solitaire, où les maîtres de la technologie n’ont jamais autant parlé de communication, je pense que le théâtre est une des dernières expériences qui soit encore proposée à l’homme pour être vécue, mais vraiment vécue, collectivement. Et l’acteur de théâtre est le magicien de cette expérience.
Discours de Laurent Terzieff à la 7ème Nuit des Molières le 5 avril 1993.