Le démographe et économiste Alfred Sauvy (connu pour sa célèbre expression « Tiers Monde ») décrivait en 1980 dans La Machine et le Chômage « l’effet de déversement » des salariés de l’industrie vers le secteur des services causé par le progrès technique. En cela, il ne faisait que pointer du doigt l’existence d’un « chômage technologique » qui révoltait déjà nos Canuts lyonnais au XIXème…

Cependant, il est un phénomène plus récent de « déversement » que je n’arrive pas à m’expliquer, un curieux phénomène annoncé l’été dernier par l’oracle aux yeux verts, Francis Huster, à l’occasion de la Coupe du Monde au Brésil (l’équivalent du Festival d’Avignon pour les fans de foot, ndlr)… :

Paul Pogba, c’est le Cid. Yohan Cabaye, c’est Alceste dans le Misanthrope. Antoine Griezmann, c’est Hamlet. Sakho, c’est Coriolan… (lire l’article)

Mais qu’est-ce que Frank Leboeuf (le champion du monde de football, ndlr) fabrique sur des colonnes Morris ? Entendez-moi bien. A la limite, Lilian Thuram… Celui-là, au moins, on sait qu’il lisait des livres pendant que ses co-équipiers jouaient à la Playstation à Clairefontaine. Mais Frank Leboeuf ? Regardez l’effet que lui fait la découverte d’un livre (je vous prie de ne pas m’accuser de partialité, je fais une enquête objective et c’est une photo de l’excellent site de critiques de théâtre PurePeople)…

C’est visiblement une torture pour ce pauvre homme qui n’a jamais entraîné que ses mollets ! On admirera l’ironie de ce t-shirt au slogan « LIFE IS A JOKE ». De fait, on nage en plein nonsense. A la seule différence que vous ne verrez jamais David Beckham se produire au Globe Theatre. En Angleterre, la profession d’acteur est réglementée et le métier protégé par le syndicat Equity. Il faut une Equity Card pour exercer, comme il faut une Oyster Card pour prendre le tube, autrement vous restez au portillon. Dans les pays anglo-saxons, même les stars passent des castings, ce qui est loin d’être le cas en France (nos amis d’AuBalcon ont très bien résumé ce « syndrôme de la tête d’affiche« ).

There is something rotten in the kingdom of France

C’est ce que doivent se dire les comédiens britanniques en prenant le métro parisien jusqu’au Théâtre du Châtelet. Heureusement qu’ils n’ont pas M6, sinon ils reconnaîtraient aussi Stéphane Plaza dans la pièce tirée de son émission-phare (vous avez bien lu; je préfère cette phrase d’Hemingway : « En ce moment j’écris une nouvelle d’après un film tiré d’un de mes romans. ») A gauche en sortant de l’ascenseur. Et puis Jean-Luc Reichmann, Philippe Risoli… Vivement l’adaptation théâtrale du Big Dil ! Notre époque décloisonne le théâtre et le petit écran, seulement la scène est un métier, et un plateau de théâtre n’est ni un plateau d’enregistrement d’émission de télé, ni un pré carré… Sinon Didier Deschamps aurait déjà sélectionné Michel Galabru en Equipe de France !

Allez, je vous laisse avec une dernière photo de l’admirable performance de notre champion du monde et j’attends avec impatience les premiers pas sur les planches de Frank Ribéry !