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Après un témoignage sur le cours Galabru, on découvre le cours Périmony cette semaine à travers l’expérience de Taos Sonzogni.
La méthode / contenu des cours : Périmony, c’est une formation en trois ans. Pas de méthode propre à l’école, chaque intervenant travaille à sa façon et c’est ce qui fait, à mon sens, la richesse de cette formation. L’école Périmony reste cependant très classique. Ce n’est pas un mauvais point. C’est une très bonne formation qui s’appuie sur de grands auteurs pour apprendre à ses comédiens à chercher la justesse, la sincérité, mais qui n’est pas la meilleure porte à laquelle frapper pour quelqu’un qui voudrait faire du « boulevard » (le mot seul déclenchant une vague d’épilepsie chez les profs de l’école) ou du « one man ».
La première année est principalement axée sur la technique et les bases du théâtre. Les étudiants y suivent un cours de diction dispensé par l’aussi-despotique-qu’adorable Mademoiselle (Ceux qui se sont risqués à l’appeler autrement n’ont jamais été retrouvés) Kroy, un cours d’expression corporelle et des séances au cours desquelles chacun passe des scènes de différents répertoires.
En deuxième année, il s’agit d’acquérir une véritable liberté sur le plateau. Elle s’articule autour de trois gros ateliers qui se terminent chacun par une audition interne :
En troisième année on va plus vers le détail, la subtilité. Le programme change selon les années mais cette année on a eu un stage Pinter, un stage Shakespeare, un stage théâtre contemporain et Isabelle Rattier toute l’année avec qui on travaille sur le théâtre russe. Il y a aussi tous les ans un stage caméra au cours duquel on tourne nos bandes démo.
Rythme : Une vingtaine d’heures de cours par semaine. En troisième année un peu plus à certains moments selon les stages.
Ambiance : Plutôt bon enfant. Ça change un peu selon les promos. Dans la mienne l’ambiance est très « école » : brouhaha un peu perpétuel, petit manque de concentration parfois et l’inévitable phénomène des « stars de promo » mais au final ça en fait un lieu sain et rassurant pour travailler et chercher des choses. Personne ne se juge, on aime jouer ensemble et on se fait confiance.
Prix : 360 euros par mois
Audition d’entrée : Il n’y a pas d’audition pour la première année, la sélection se fait au moment du passage en deuxième année, puis en troisième année. Néanmoins, une entrée en deuxième année sans faire la première est possible sur audition.
Lieux : Le Théâtre des Feux de la rampe, le Dix Heures, le Tristan Bernard et un loft dans le 17ème.
Salles de répétition : Nos immenses appartements 😉
Professeurs : Sylvia Roux, Erick Desmareztz, Esmeralda Kroy, Stéphane Duclos, Arlette Tephany, Christian Bujeau, Isabelle Rattier.
Intervenants : Marina Albert pour l’option théâtre musical, Azize Kabouche, Thierry Harcourt, David Atrakchi et Gaël Caboua de chez Fulldawa productions.
Scènes publiques et spectacles : Les auditions de troisième année sont publiques, elles ont lieu le lundi soir au théâtre Tristan Bernard.
Audition devant des professionnels : Ils sont invités à toutes les auditons de troisième année. Mais il ne faut pas se leurrer, très peu d’agents ou de metteurs en scène se déplacent, c’est surtout des agences de pub qui viennent faire leur marché. Mais chaque élève peut inviter qui il veut.
Réseau : Entre élèves et anciens élèves surtout. Certains professeurs prennent des étudiants sur des pièces.
Les Plus : Une très bonne réputation de l’école nous permet d’avoir de très bons intervenants et c’est formidables pour de jeunes comédiens de se former dans un théâtre de 400 places comme le Tristan Bernard.
Les Moins : Jean Périmony est maintenant trop âgé pour donner des cours. C’est dommage pour les élèves de ma génération de ne pas pouvoir travailler avec ce grand du théâtre français.
Meilleur souvenir : Quand j’étais en première année, j’allais beaucoup voir les pièces des élèves de l’école. Une des compagnies, composée d’élèves de deuxième année, avait monté La Cantatrice chauve. Je suis allée les voir et j’en suis ressortie en même temps ravie parce que j’avais trouvé ça génial et en même temps très angoissée, en me demandant si j’arriverai un jour à ce niveau, si je pourrai participer à des pièces aussi bonnes que celle là. J’ai discuté avec le metteur en scène, je lui ai dit à quel point j’avais adoré, que je voulais travailler avec lui, et régulièrement lorsque j’avais besoin de conseils pour une audition, je lui en demandais. Quelle ne fût pas ma surprise quand en deuxième année il m’a appelée pour me proposer de reprendre le rôle d’une des comédiennes qui partait ! Aujourd’hui je suis donc Mrs. Martin dans la pièce.
Pire souvenir : Audition Molière, J-5. On bosse sur la scène d’exposition du Médecin malgré lui quand mon M. Robert, 1m90 de sex appeal, me propose de faire son entrée en sautant du balcon sur la scène. Le balcon du Tristan Bernard. Celui qui est très, très haut. N’ayant absolument pas envie de tuer ma réplique cinq jours avant l’audition, je commence par un non catégorique. Puis mes hormones communiquent avec mon cerveau et m’envoient l’image d’un-sexy-super-Monsieur-Robert bondissant sur le plateau, avec cape, salto arrière et tous les trucs trop stylés de super héros qui s’ensuivent. Et surtout, je vois toutes les filles du public en délire et je me dis que sur 50 scènes il faut y aller un peu pour que la mienne sorte du lot. Alors j’accepte. On essaye. Et on passe 5 jours après, moi avec un tenace sentiment de culpabilité, lui, en entrant par la -finalement pas si mal- coulisse avec une grosse entorse à l’épaule, diagnostique des pompiers qui ont dû venir le ramasser 15 minutes après mes fantasmes héroïques.
Sa scène préférée : La scène d’Incendies de Wajdi Mouawad où Nawal annonce à Wahab qu’elle est enceinte. C’est un texte magnifique, très poétique mais qui dégage en même temps une violence extraordinaire. Elle est très difficile à jouer car il faut réussir à la respirer comme de la tragédie classique, tout en la rendant la plus concrète possible sans tomber dans un « pseudo réalisme » (dixit Azize Kabouche) qui ne s’accorde pas du tout avec l’univers de Wajdi Mouawad.
Le théâtre qui l’ennuie : le théâtre snob. Un jour un programmateur de théâtre a mis sur Facebook une photo d’un spectacle du IN avec en commentaire « Théâtre, ce n’est pas parce que c’est chiant que c’est bien. » Ça m’a fait mourir de rire et en même temps ça résume exactement mon ressenti. Je n’aime pas non plus le « boulevard ». J’ai un ami qui estime que lorsqu’une pièce n’est pas engagée, c’est « du théâtre de droite ». Je ne suis pas d’accord. Mais je pense qu’une pièce de théâtre doit être transcendante. Elle doit faire réfléchir, mettre mal à l’aise ou déclencher des choses très fortes… Si on en ressort en se disant juste qu’on a passé un bon moment, qu’on s’est amusés, alors c’est une pièce qui pour moi n’a aucun intérêt.
Son passage préféré : « Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu’un homme, cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand-chose, de toutes façons je ne l’ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas. » Virginie Despentes, King Kong Théorie
Son insulte préférée : « Corneilles et Choucas » (Troïlus et Cressida de Shakespeare) lancé par un Pandare so gay à l’adresse des combattants grecs qui arrivent après les – selon lui – très sexy Troïlus et Hector. « Les aigles sont passés » estime-t-il.
Conclusion : L’école Périmony est une très bonne école. Elle a eu ses hauts et ses bas comme chaque structure et j’en ai subi les bas quand il a fallu réorganiser pas mal de choses pendant ma deuxième année, mais aujourd’hui elle fonctionne très bien et je crois qu’elle n’a pas perdu en qualité.
Actualité : Taos joue en ce moment dans « La cantatrice chauve comme vous ne l’avez jamais vue » mise en scène par Alexis Rocamora, où elle interprète le rôle de Mme Martin.
La pièce se joue les 8 et 9 mai à 21h45 au théâtre Montmartre Galabru. Réservation sur ce lien : http://www.billetreduc.com/137473/evt.htm