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Le mot endêver vient du vieux français desver, qui veut dire « devenir fou », « enrager ». Dans le dictionnaire, on en donne cette définition : éprouver un fort dépit, une forte contrariété jusqu’à en être hors de soi. Enrager est un synonyme actuel qui s’emploie de la même manière : on endêve de quelque chose. On fait endêver quelqu’un. Voilà l’extrait de Gilles de Drieu La Rochelle dans lequel j’ai découvert ce verbe inusité :
[…] Le vieux, prompt observateur, changeant d’expression, le reprit soudain à longueur de bras, le regarda un très long moment, le fit virer, s’étonna, fronça les sourcils, grogna, sourit, haussa les épaules, fit :
– Tiens, tiens.
Changeant d’idée, il se tourna vers la servante, le poussa vers elle.
– Embrasse-la. Je l’ai déjà assez fait endêver à cause de toi.
La servante, gigantesque, maigre avec des viandes considérables par-dessus sa carcasse, chauve, avec des mèches ardentes, clignant de terribles petits yeux bleus, ouvrit une grande bouche édentée, dans un rire confus, plein de sûreté intérieure. Elle était magnifique, vêtue de ses vêtements de travail, sans compter la coiffe. Oh ! races, races. Il y a des races, j’ai une race. c’est bon de faire l’amour, c’est faire l’amour que de serrer sa race contre sa poitrine. Gilles se jeta sur cette viande qui ne sentait point bon, non plus.- Eh bien ! voilà, voilà, fit encore le vieux. Ce n’est pas plus malin que ça. Du moment que tu es vivant on ne peut pas pleurer aussi longtemps que si tu étais mort, dame. Entre. […]
Gilles, Pierre Drieu La Rochelle, Folio, pp 147-148