Cette année marque la 50^ème édition du OFF, le festival théâtral créé en marge du Festival d’Avignon, qui revendique le titre de « plus grand théâtre du monde ». Et avec 1336 spectacles joués par 1071 compagnies, et 1,3 millions de billets en 2014, on comprend que les organisateurs soient fiers du succès de leur rassemblement. Seulement, est-ce que ce slogan est vraiment mérité ?

Quand on regarde de plus près, les styles proposés au OFF sont de plus en plus divers et débordent largement le cadre du théâtre « classique » : théâtre, musique, danse, marionnettes-objet, poésie, cirque, clown, etc… Sans compter qu’on fourre à peu près tout dans la catégorie « théâtre », tout un tas de genres très différents, notamment le one man show (à ne pas confondre avec le seul-en-scène, dont je ne pourrai pas vous donner une définition exacte parce que je n’en ai pas encore bien saisi les contours, si ce n’est qu’il est peut-être plus théâtral…) qui n’est pas présenté dans cette liste comme un genre à part. Il ne s’agit donc pas d’un rassemblement de théâtre, à proprement parler, mais d’un festival de spectacle vivant. Est-ce que je chipote ? Le programme du OFF découpe quand même sa programmation en 34 styles différents ! Voyons-en la répartition :

Tiens, tiens, tiens… Le style « théâtre » est bien majoritaire avec 41% des spectacles, mais qu’est-ce qu’on a encore ? C’est l’ « humour » (12%) qui suit, talonné par la « comédie » (10%), le « théâtre musical » (6%), le « spectacle musical » (5%), la « danse » (4%), la « marionnette-objet » (2%), la « chanson » (2%), la « danse-théâtre » (2%), le « clown » (2%), le « concert » (2%), le « cirque » (1%), et seulement 1% de « théâtre classique »…

Les catégories sont peu claires, c’est un joyeux pot-pourri et on a du mal à s’y retrouver ! On vous avait prévenus : « le festival OFF d’Avignon est l’un des plus grands rassemblements de compagnies indépendantes au monde par la richesse et la diversité de ses offres culturelles. » Tiens ! Ce n’est plus « le plus grand théâtre du monde »… Mais qu’est-ce qui incite les organisateurs à plus de prudence ?

Peut-être le fait qu’Outre-Manche, il existe un autre festival, l’Edinburgh Festival Fringe, qui revendique justement le titre de « largest arts festival in the world ». Alors, lequel des deux dit vrai ?

Le Fringe Festival d’Edimbourg

Créé en 1947, la même année que le Festival d’Avignon (IN), le Festival Fringe s’est développé lui aussi en marge (« fringe » en anglais) d’un festival officiel de théâtre, l’Edinburgh International Festival. Huit compagnies de théâtre privées de carton d’invitation ont tapé l’incruste dans la capitale écossaise, profitant du rassemblement de spectateurs pour proposer des créations alternatives (d’où la devise du Fringe : « defying the norm since 1947 »).

Depuis 1947, il a lieu tous les ans au mois d’août et, comme le OFF, le Fringe a grandi et élargi sa gamme de spectacles. L’année dernière, le festival comptait 3193 spectacles, 2636 compagnies et a passé la barrière des 2 millions de billets vendus. Voyons comment les spectacles se répartissent chez eux :

Oh my God ! Le découpage est un poil plus clair. Concernant le nombre de spectacles, le théâtre était le 1^er genre représenté, jusqu’en 2008, quand la « comedy » (qui se traduit plutôt par « humour » que par « comédie », même si elle englobe les deux) l’a supplanté, après une croissance très forte ces deux dernières décennies. En 2014, c’est 34% de spectacles de style comedy et 28% dans la catégorie theatre. La musique et la danse ont à peu près la même part qu’au OFF. Je n’ai pas trouvé de chiffres sur les nationalités des participants, mais il est à parier que le Fringe est un peu plus international que le OFF.

En conclusion : le Festival OFF d’Avignon est bien le plus gros festival français de spectacle vivant et, en particulier, de théâtre, mais certainement pas le plus grand théâtre du monde ! Un calcul simple nous montre qu’avec la comedy et le theatre, on arrive à plus de 1600 spectacles théâtraux au Fringe d’Edimbourg l’année dernière. Il n’y a plus qu’à espérer que les organisateurs du Fringe n’attaqueront pas Greg Germain en justice pour publicité mensongère !