La Compagnie Affable

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Dialogue OFFable avec Marie Sorbier, créatrice d’I/O, la gazette éphémère des festivals

IO Gazette la gazette éphémère des festivalsAprès le projet Binôme, voici une nouvelle initiative présente au Festival dAvignon qui a recueilli notre suffrage : I/O est un magazine papier-web éphémère et collaboratif qui porte un double regard critique, au-dessus du clivage théâtre public/théâtre privé, sur le spectacle vivant. Les 22 premiers numéros de 8 pages seront publiés du 5 au 26 juillet, avec un tirage de 6 000 exemplaires quotidiens et une trentaine de collaborateurs à la manœuvre. Si la gazette sortira officiellement de son cocon pendant le Festival d’Avignon, l’objectif est de faire revivre ce papillon aux ailes de papier et aux antennes numériques dans d’autres festivals !

Nous avons voulu rencontrer Marie Sorbier, la fondatrice de la « gazette éphémère des festivals » pour en savoir plus sur cette aventure.

Bonjour Marie, pouvez-vous nous raconter comment vous êtes « tombée » dans le théâtre ?

A la naissance en fait puisque je viens d’un petit village provençal à côté d’Avignon. Le Festival est lié à mon enfance, on y allait tous les étés en famille. Je ne peux pas dire que j’adorais ça (il faut dire qu’on m’a emmenée voir un Claudel en primaire…), mais ça fait partie de moi.

Après le bac, j’ai mis de côté le théâtre en allant faire mes études d’histoire de l’art à Paris. Puis, c’est revenu comme un boomerang ! Depuis 10 ans, je vais au théâtre 5 fois par semaine, toute l’année, ça me rend heureuse, ça m’énerve… C’est comme une drogue ! Et toute ma vie tourne autour des programmations, je peux prendre l’avion pour aller voir le travail d’un metteur en scène n’importe où en Europe !

Comment vous est venue l’idée de créer I/O Gazette ?

C’est une histoire incroyable. Je communique sur Twitter, avec un groupe de gens passionnés, dont je ne connais la plupart qu’à travers leurs pseudonymes, je ne les ai jamais rencontrés en vrai. Et dès qu’on rentre d’un spectacle, on se met à en discuter sur Twitter, on débat, on s’engueule, on s’énerve, on s’interroge sur les critiques… Et un soir, on a commencé à se défier pour rire : « mais qu’est-ce que tu proposes, toi ? ». On s’est mis à imaginer un autre support, porté par les passionnés de théâtre, on s’est dit que ce serait bien de commencer à Avignon…etc.

Le lendemain matin, j’ai 300 messages sur Twitter de gens qui me disent que c’est une idée formidable. Je commence à en parler plus sérieusement, mais ça reste encore de l’ordre du fantasme. Et au bout de 4 jours, fin février,  je reçois un message privé de soutien de Fleur Pellerin. Là, je me dis qu’il faut faire quelque chose. On commence à mettre les choses en forme. J’appelle Olivier Py et Greg Germain. Les deux m’encouragent. Puis, tout s’enchaîne très vite, la Maison Jean Vilar dit oui, tout le monde dit oui…

Comment avez-vous réussi à concrétiser le projet, surtout sur le plan financier ?

Nous n’avions pas d’argent, nous travaillons tous dans la culture !… Je me suis dit qu’il ne fallait pas penser à l’argent tout de suite. Et là, on nous propose un logement gratuit ! Premier problème réglé, mais il reste encore 80% du budget : les coûts d’impression du magazine papier (pas de salaires à verser puisque nous sommes tous bénévoles sur ce projet). Ce n’est pas rien, les premiers devis des imprimeurs montent à 25 000 €… On se met à chercher des partenariats publicitaires… Et là, coup de théâtre ! Je reçois un coup de fil de Bernard Tapie, qui a entendu parler du projet et qui me dit  que c’est formidable (c’est un passionné de théâtre), qu’il faut que j’appelle le PDG de La Provence (dont Bernard Tapie est propriétaire). Le PDG me dit « c’est super, on va vous l’imprimer » ! J’avoue que je n’en reviens toujours pas…

Et voilà le gros du budget offert généreusement par La Provence ! Finalement, notre partenariat pour le logement a capoté, et il nous reste une partie du budget à trouver, du coup, on propose en plus des espaces publicitaires à des annonceurs qui n’ont rien à voir avec le Festival (histoire de rester indépendants). On a aussi fait une campagne sur Ulule, mais surtout parce que des gens qui voulaient nous aider nous l’ont demandé.

Combien de contributeurs vous ont sollicitée à ce jour ? Qui fait partie de l’équipe rédactionnelle ?

Il y a une trentaine de personnes qui seront à Avignon et qui suivent le projet depuis le départ. Des médias traditionnels qui ont leur carte de presse, des sites, des blogs, des « twittos » sans blogs, des spécialistes du OFF, du IN… : Philippe Chevilley des Echos, Armelle Héliot du Figaro, Jean-Pierre Thibaudat, Arnaud Laporte de France Culture, Philippe Noisette, Toute La Culture, Danse Aujourd’hui, Rick et Pick, la Plume Francophone, Gladscope, La Jaseuse, Théâtre Côté Coeur…

En plus de ces contributeurs, nous avons reçu une cinquantaine de demandes. Il n’y a pas de cooptation ou d’entretien d’embauche, tout le monde peut proposer un article selon les contraintes de la maquette (1700 signes…). Et le comité éditorial se réunira chaque jour à partir du 5 juillet pour sélectionner des articles qui correspondent à l’ADN du magazine. On préférera, par exemple, une critique qui ne parle que du décor à une description globale du spectacle qui ne dit rien de personnel. Il nous faut juste deux vrais regards sur un même spectacle. Comme France Bleu Vaucluse va relayer la campagne sur les ondes, on devrait avoir de quoi faire !

Pensez-vous que les acteurs du IN et du OFF (organisateurs, artistes, professionnels, journalistes) utilisent aujourd’hui  Internet et les réseaux sociaux à leur juste valeur ?

Non. Clairement pas. Certains s’y mettent mais c’est limité. Cela dit, je ne crois pas que le déroulement du Festival soit adapté aux réseaux sociaux. D’abord, parce qu’on ne capte pas avec tous ces murs épais et anciens. Et puis les festivaliers n’ont pas envie d’être derrière un écran, il fait beau… L’ambiance du festival nécessite un objet papier. C’est d’ailleurs ça qui a attiré les journalistes culturels vers I/O, ils sont frustrés par le déclin du papier, leurs colonnes se rétrécissent tous les jours. Et quand on pense qu’il n’y a pas de quotidien au Festival d’Avignon… !

Vous ne croyez pas qu’il faudrait aiguiller les spectateurs, au moins en amont du Festival ?

Je crois que ça se passe sur place. Il faut dire que j’aime la découverte à Avignon, le côté magique du bouche-à-oreille… Il n’y a pas de recette, on ne sait jamais pourquoi ça prend, pourquoi telle petite compagnie isolée fait le buzz avec trois affiches… J’aime que la sauce monte progressivement pendant les trois semaines du Festival.

Vous avez des spectacles à nous conseiller dans le programme étourdissant d’Avignon ?

Dans le IN : Des arbres à abattre, d’après Thomas Bernhard, signé par Krystian Lupa. C’est un monsieur de 70 ans qui fait là son 1er Avignon alors qu’il est un des plus grands metteurs en scène contemporains selon moi.

Dans le OFF : Souterrain Blues de Peter Handke à La Condition des Soies, avec Yann Collette. Le texte est très puissant. Il y a aussi une création d’Emmanuel Noblet dans le même théâtre, c’est une adaptation de parer les vivants, le best-seller de Mailys de Kerangal sur la greffe d’organes… et j’ai très envie de voir ce que ça donne ! J’irai bien sûr faire un tour au Théâtre des Doms, les belges ont toujours des propositions étonnantes. Je me repère principalement aux lieux pour le Off… Je suis aussi avec attention La Manufacture, le Girasole

Un(e) comédien(ne) qui vous inspire ?

Yann Collette. Il m’a permis d’entrer dans le cœur du métier. C’est un acteur hors normes qui m’impressionne toujours beaucoup, même maintenant que je le connais bien. Jean-Quentin Châtelain, Nicolas Bouchaud, Nicolas Maury…  Je suis aussi des metteurs en scènes : je ne connais pas mieux que Romeo Castellucci, je suis capable de me ruiner pour aller voir ses spectacles, je n’ai rien vu de mieux, de plus intelligent, et qui m’inspire autant !

Une pièce de théâtre qui vous inspire ?

Dernièrement, Affabulazione de Pasolini. La mise en scène de Stanislas Nordey à la Colline était superbe. Oh les beaux jours ! de Beckett. C’est une pièce prodigieuse, émouvante et forte. Et la trilogie de Mouawad, Le Sang des promesses, donnée en 2009 dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. Cette représentation m’a fait renaître au théâtre. Je me suis dit qu’il fallait que je travaille dans le théâtre. Je n’aime pas tout ce que fait Mouawad, mais là, le choc était trop fort ! C’était trop beau, trop émouvant !

Un mot qui vous inspire ?

« My kingdom for a horse! » Je ne sais pas pourquoi ça m’est venu, c’est peut-être un souvenir de la mise en scène d’Ostermeier… Enfin, je ne regrette pas, loin de là, Richard III est un personnage passionnant !

Je remercie Marie Sorbier pour cet entretien. Le concept d’I/O Gazette vous plaît ? Vous voulez devenir contributeur ? Rendez-vous sur le site : http://www.iogazette.fr/

Pour suivre I/O Gazette sur Facebook : www.facebook.com/iogazette

Pour suivre Marie sur Twitter : https://twitter.com/mariesorbier

Pour suivre I/O Gazette sur Twitter : https://twitter.com/IoGazette

Découvrez « Dialogue OFFable« , notre série d’entretiens avec les acteurs du Festival d’Avignon

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Cette entrée a été publiée le 23 juin 2015 par dans Théâtre, et est taguée , , , , , , , , , , .
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