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Jacques Mougenot revient pour la septième année au Festival d’Avignon avec L’Affaire Dussaert, et, en prime, une création intitulée Le Cas Martin Piche. Cette nouvelle comédie oppose un personnage curieux sans curiosité (joué par Jacques Mougenot) et un médecin passionné (Benoit Tachoires) qui tente de soigner ce blasé maladif.
L’auteur-comédien nous a déjà fait l’honneur de nous prêter sa fable « Les Enfants du Laboureur » pour conclure notre spectacle Dialogue à Fables, et aujourd’hui il nous accorde un entretien pour nous parler de son parcours théâtral et présenter sa nouvelle pièce, accompagné de Benoit Tachoires, qui lui donne la réplique dans Martin Piche.
Bonjour Jacques, comment êtes-vous « tombé » dans le théâtre ?
Je voulais en faire depuis longtemps, mais j’ai attendu la fin de mes études d’ingénieur et mon indépendance pour m’y consacrer pleinement. A l’époque, Jean-Laurent Cochet avait une classe libre, pour laquelle il faisait passer des auditions. Je ne savais pas qui était ce Monsieur quand je me suis présenté au concours d’entrée au Conservatoire du XVème arrondissement… J’ai été pris et je suis resté quatre ans au cours comme élève, avant qu’on m’y propose une place de professeur assistant, et là, j’y suis resté 18 ans ! En quittant le cours, j’ai créé L’Affaire Dussaert que j’ai jouée pour la première fois au Théâtre Hébertot.
Bonjour Benoit, comment êtes-vous « tombé » dans le théâtre ?
A onze ans, en regardant Le Magnifique avec Belmondo. C’a été une révélation ! Je me suis dit : « c’est ça que je veux faire », et depuis je n’ai pas changé d’avis ! J’ai fait du théâtre jusqu’au bac, notamment dans une ligue d’impro des Yvelines créée par Alain Degois (dit « Papy », qui, par la suite, a monté Déclic Théâtre, dont sont sortis Jamel Debbouze, Sophia Aram, Arnaud Tsamere…) puis je me suis inscrit au cours Périmony.
Jacques, comment vous est venue l’idée de ce personnage désabusé, par ennui ?
Je souffre parfois d’ennui, comme tout le monde. Mais le métier de comédien m’aide à ne pas m’ennuyer. Il y a toujours des observations à faire, un texte à répéter, un nouveau sujet de pièce à élaborer. En revanche, j’ai constaté que beaucoup de gens s’ennuient au travail, ils développent des maladies professionnelles à cause de cela, mais ils préfèrent la dépression au bureau que l’ennui du chômeur… Comme dit Martin Piche : « il vaut mieux s’ennuyer par obligation que par désœuvrement ». Enfin, l’ennui peut aussi faciliter la création. On raconte que Dieu créa l’Univers parce qu’il s’ennuyait…
En parlant de Dieu, il y a toujours des interrogations métaphysiques dans vos pièces ?
Oui. Depuis la première pièce courte que j’ai écrite, Les pieds sur terre, je m’intéresse à ces questions. Le second acte de La Carpe du Duc de Brienne se passe dans le Néant, dans l’Affaire Dussaert on parle du rien, et, enfin, Martin Piche ne s’intéresse à rien… J’ai aussi écrit un roman, La Machine à démonter le temps, dans lequel j’aborde la métaphysique du temps.
Le Cas Martin Piche, l’Affaire Dussaert… Vous vous penchez sur des cas un peu comme un psychanalyste, est-ce que vous préparez une reconversion ?
Pas du tout. La médecine m’intéresse beaucoup, mais je ne veux pas en faire mon métier. Pour ce qui est du personnage du médecin, j’ai essayé d’en faire quelqu’un d’humain. D’abord parce que c’est une comédie, et, ensuite, parce que je ne suis pas un expert en matière psychiatrique. J’ai quand même demandé conseil à des spécialistes pour proposer des diagnostics vraisemblables et tâcher d’en faire un docteur crédible. Les psychiatres, les psychanalystes et les thérapeutes qui ont vu la pièce ont trouvé les choses réalistes. En tout cas, c’est un médecin qui tâtonne, très curieux et ouvert à toutes sortes de méthodes. Je me suis inspiré du personnage joué par Cary Grant dans On murmure dans la ville (People will talk). C’est un film très mystérieux où il joue un médecin atypique, avec des méthodes surprenantes pour l’époque, il navigue toujours avec le Conseil de l’Ordre…
Pourquoi ce nom Martin Piche ? Le nom peut prêter à confusion…
C’est ce qu’on m’a dit ! Apparemment piche a des significations que j’ignorais… Pour tout vous dire, je voulais appeler la pièce Un type sans intérêt, puis j’ai cru meilleur de donner un nom à ce type.
Jacques, un auteur qui vous inspire ?
Dumas. Il réussit à rendre tout intéressant. Et chose qu’on ne dit pas souvent, c’est un grand psychologue !
Benoit, un auteur qui vous inspire ?
Bacri et Jaoui. Comme Jacques, ils ont une écriture théâtralisée mais très concrète. (D’ailleurs, Bacri aurait sans doute bien joué Martin Piche !) Chez eux, la comédie naît du décalage entre un personnage très concret et la situation.
Jacques, un comédien qui vous inspire ?
Susan Sarandon.
Benoit, un comédien qui vous inspire ?
François Cluzet, Vincent Lindon, Reda Kateb… Tous ces acteurs jouent avec un naturel qui me plaît beaucoup. A la manière de Belmondo, de Lino Ventura.
Jacques, une pièce qui vous inspire ?
Fantasio.
Benoit, une pièce qui vous inspire ?
Richard III.
Jacques, un livre qui vous inspire ?
Le Comte de Monte Cristo.
Benoit, un livre qui vous inspire ?
La petite fille de Monsieur Linh de Philippe Claudel. C’est touchant et drôle. Et il y a un sacré twist à la fin !
Jacques, votre fable favorite ?
« L’Homme et la Couleuvre ». C’est peut-être la première fable écologiste puisqu’elle parle de l’ingratitude de l’Homme envers la Nature.
Benoit, votre fable favorite ?
« Le Laboureur et ses Enfants ». J’aime bien comme le père manipule ses fils pour leur donner une leçon.
Jacques, un mot qui vous inspire ?
« Si on construisait la maison du bonheur, la plus grande pièce serait la salle d’attente » (Jules Renard). Et pour citer un autre fabuliste : « Sois un simple imbécile, j’en ai vu beaucoup réussir. » (Florian)
Benoit, un mot qui vous inspire ?
« Quand ça va, tu prends ; quand ça va pas, tu patientes. » (Un air de famille)
Le Cas Martin Piche, de Jacques Mougenot, avec Benoit Tachoires et Jacques Mougenot, se joue à 20h10 au Théâtre des 3 Soleils. L’Affaire Dussaert, de et avec Jacques Mougenot, c’est au même endroit, à 14h10. Du 4 au 26 juillet dans le cadre du Festival OFF d’Avignon. On vous recommande chaudement les deux ! Pour réserver, c’est à ce numéro : 04 90 82 25 57
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