La Compagnie Affable

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Youth de Paolo Sorrentino

Youth Paolo SorrentinoMichael Caine a si bien parlé du nouveau film de Paolo Sorrentino au Festival de Cannes que je vais me contenter de recopier ce qu’il a dit :

Have you seen the poster? It has two old guys in a swimming-pool looking at a beautiful girl with no clothes on, and I think that describes Youth: we’re just looking at what we’ve lost and what we’re never gonna get again.

C’est aussi triste que cette scène où un Maradona obèse et asthmatique jongle avec une balle de tennis en poussant des ahans de porteur d’eau. Pourtant Youth est un film philosophique qui traite de la joie de l’instant présent. Puisque le futur et le passé s’effacent petit à petit en vieillissant, pourquoi ne pas apprendre à se concentrer sur nos sensations ? C’est le problème de Fred Ballinger (Michael Caine). Alors qu’il est en parfaite santé, et que tout son être tend manifestement vers la musique, il ne veut plus ni composer, ni diriger d’orchestre. Égoïsme suprême du point de vue de sa fille (Rachel Weisz), qui lui balance ses quatre vérités dans une tirade remarquable :

…Mommy would explain to us: Quiet, Daddy’s composing. Quiet, Daddy has Stravinsky coming to the house later tonight. But who are you?…

De fait, son ami Mick (Harvey Keitel), qui, lui, est en moins bon état, continue bien à tourner des films. C’est lui qui administre un deuxième électrochoc au vieux maestro :

Emotions are overrated? It’s false. Emotions are all we’ve got.

Sagesse illustrée par une masseuse encore adolescente qui ne s’exprime que par le toucher et par la danse (elle se trémousse joyeusement devant Just Dance). Quand Michael Caine lui demande si elle n’aime pas également parler, elle lui répond simplement : « je n’ai jamais rien à dire. » Comme ce vieux couple qui dîne sans rien se dire parce que l’homme ne touche plus sa femme. Intelligence des corps. Leçon du silence.

Même genre de blocage pour Jimmy Tree (Paul Dano), un jeune acteur qui a accepté un rôle horrible et remâche la frustration de précédents films, à tel point qu’il envoie péter Miss Univers (la divine Mădălina Ghenea, la jeune femme sur l’affiche) quand elle vient lui faire un compliment et partager avec lui ses projets de cinéma : « Do you study or do you watch reality TV shows? » Plutôt changer soi-même que répondre ça à Miss Univers, n’est-ce pas ? Il apprendra à se concentrer sur le désir plutôt que sur l’horreur. Plutôt Eros que Thanatos. Voici un extrait vidéo éloquent :

Les superbes plans de Sorrentino rappellent tantôt les clairs-obscurs de Rembrandt, tantôt les peintures de David Hockney, et nous invitent à la méditation. Sans oublier la musique (Notamment « I Lie » de David Lang, déjà utilisée dans La Grande Bellezza), cet art absolu, qui émeut physiquement et se dispense d’explication (« music just is »). L’apathie est une maladie de l’intellect envahissant. Comme le dit Ballinger :

Intellectuals have no taste.

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Cette entrée a été publiée le 10 septembre 2015 par dans Cinéma / Séries, et est taguée , , , , , , , .
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