La Compagnie Affable

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Master Class de Nicolas Vaude au Trévise

Master Clss Alexis Michalik Le Foyer Théâtre TréviseLe cours d’art dramatique Le Foyer organise tous les mois une master class publique au Théâtre Trévise. Après une interview à la James Lipton, l’invité dirige à sa manière les élèves du cours dans des scènes de travail. De nombreux comédiens de talent sont déjà venus partager leur expérience : Claude Aufaure, Nicolas Briançon, Michel Fau, Jean-Luc Moreau, Alexis Michalik… Et lundi dernier, c’est Nicolas Vaude qui s’est prêté au jeu.

Nicolas Vaude Master Class Trévise cours Le Foyer.jpgL’œil qui pétille sous ses boucles fournies, un sourire plein de malice, il arpente les travées de la salle d’un pas sautillant. Trente ans de carrière et toujours le même feu sacré ! Sa vocation, nous dit-il, se déclare au Théâtre Montansier à Versailles, à l’occasion du concours de théâtre inter-lycées. Les lycéens doivent présenter un extrait de pièce de 30 minutes. En face, d’autres jeunes premiers prometteurs, dont Denis Podalydès. Le monde bat son plein sous le lustre de ce temple classique. C’est une révélation pour le petit Nicolas, qui, malgré sa timidité (« au début, je ne faisais que des rôles de muets »), découvre que :

La scène procure un plaisir, une joie, qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

Nicolas Vaude a fait du cinéma et de la télé, mais sa place est au théâtre, auprès des grands auteurs. Son CV en dit long : Molière, Corneille, Racine, Goldoni, Diderot, Tchekhov… Et, pour cause, son travail de comédien commence par le texte.

Pour moi, tout vient du texte.

C’est une affaire de fond. Quand il se plonge dans le texte, c’est pour retrouver la pensée de l’auteur. Être acteur, dit-il, c’est faire croire qu’on est en train de penser ce qu’on dit. Mais ça ne peut pas être seulement quotidien, ça ne peut pas être seulement le comédien qui parle. Il faut être plus grand que soi au théâtre. Chez Nicolas Vaude, l’esthétique et la métaphysique se confondent :

Pour être heureux dans ce métier, je pense qu’il faut vouloir jouer quelque chose de plus grand que soi.

Affaire de fond, mais aussi affaire de forme. Il faut respecter le style et le verbe de l’auteur (cf. les conseils qu’il donne aux élèves-comédiens plus bas). Une question vient alors : est-ce qu’il joue de la même manière au cinéma ? Oui. Le texte est la matière brute qu’il travaille. Même si le théâtre demande une largeur technique et que la magie de la caméra n’a rien à voir avec celle des planches. « La différence c’est qu’au théâtre, on est maître de nous-même, et on fait le montage nous-même. » Les comédiens sont leur propre instrument. D’où, sans doute, un plaisir plus grand. Il cite une amie musicienne qui s’est essayée à l’art dramatique :

Le théâtre par rapport à la musique, c’est comme faire l’amour sans préservatif !

S’ensuit une anecdote sur Jean-Pierre Marielle, son père de théâtre, et Peter Brooke – une histoire d’audition restée en travers de la gorge… Il rassure tout le monde en expliquant qu’il ne faut pas prendre une audition pour soi. Les castings ne dépendent pas seulement de soi, mais aussi des attentes de l’autre. Et, parfois, c’est une simple histoire de physique… « Ils m’ont pris sûrement pris parce qu’ils avaient besoin d’un maigre », commente-t-il modestement à propos du premier rôle qu’il a décroché. On passe ensuite aux scènes de travail.

La Dame de la mer Ibsen Master Class Nicolas Vaude Trévise Le Foyer.jpg

« Quelle heure est-il Wangel… ? » La scène démarre un peu rapidement pour l’oreille de Nicolas Vaude, qui a fait exprès de s’installer au fond de la salle.

Il faut qu’on entende chaque mot, c’est la première nécessité.

La comédienne est tout à fait dans l’état que la situation que la scène exige, mais elle perd en netteté de diction, le professionnel s’explique : « Ce n’est pas parce qu’on se met dans un état qu’il faut qu’on parle comme on le ferait dans la vie dans cet état. La réalité est autre sur le plateau. Ça ne doit pas être quotidien. On n’est pas au cinéma. » Il précise encore : « C’est de la tragédie. Dans cette scène, il y a comme un ton suspendu. »

Master Class Nicolas Vaude Ibsen

On reprend la scène avec plus de muscle dans l’articulation, et cet effort supplémentaire brouille un peu la relation entre les deux comédiens. Nouvelle intervention :

Une des règles les plus importantes de notre métier : l’écoute.

On prend plus de temps pour se répondre, c’est mieux, mais, maintenant, c’est le rythme qui pêche. « Il y a toujours la question de savoir qui mène la scène et lui donne son mouvement. » Nicolas Vaude pousse la comédienne à sortir de la petite musique apprise, en s’échauffant un peu sur le plateau. Ça y est, elle est dans l’instant présent et la scène prend un nouvel élan !

  • 2ème scène : La Reine Morte de Montherlant – La Reine et Dona Inès

Master Class Nicolas Vaude Cours Le Foyer Théâtre Trévise

« Restez à distance je vous prie et attendez-moi. » Là aussi, ça part un peu vite pour Master Vaude. « Il faut éviter l’impression de mécanique. Donner l’impression qu’on est dans l’instant, pour la personne, dans la relation, dans la situation. Prendre le temps de lui faire parvenir les choses. Il faut le temps de respirer. » Une spectatrice laisse échapper : « elles sont dans la pensée mais pas dans le langage. Vous avez vu le roi hier, on croirait que c’est un seul mot… » Pas faux. Le prof a une belle formule :

Ce qui est pensé va au ciel.

On reprend et le professeur demande plus d’ampleur dans le jeu : « Les personnages sont plus grands que vous, ils sont immenses. Ne soyez pas timides. » Ça repart bien et puis : « Attention, tu commences fort et tu laisses un peu tomber. Il ne faut surtout pas lâcher la situation, c’est ce qui donne la vérité de la pièce. Dans Le Menteur de Corneille, il y a 14 mensonges et c’est ça que le public attend. Dans Le Misanthrope, on attend qu’Alceste se mette en colère. »

Master Class Nicolas Vaude Ibsen Montherlant.jpg

Il les encourage encore. « Tu as un côté reine un peu lasse de tout qui veut sortir des horreurs. Et, elle, reine un peu plus dramatique. Ça marche très bien entre vous. » Petit à petit, la Reine libère son jeu et m’arrache un sourire cruel quand elle dit à la petite Inès : « Vous avez vu son visage vert ? On dirait quelqu’un qui a oublié de se faire enterrer… »

  • 3ème scène :  Aricie – Ismène (Acte II, scène 1)

Aricie Phèdre Racine Master Class Nicolas Vaude Le Foyer.jpgBelle performance de l’élève américaine, qui s’en sort avec Racine en VF comme je ne m’en sortirai jamais avec Shakespeare en VO ! Nicolas Vaude demande quand même de respecter les vers : « c’est de la musique. » – Je fais une pause à la fin de chaque vers ? demande l’élève. – Non, pas une pause à la fin de chaque vers, je veux entendre tous les vers. Articulez-le énormément et vous allez trouver. (J’ai envie d’ajouter qu’il faut bien accentuer des morts dans ce passage qui prête à confusion : « Croirai-je qu’un mortel, avant sa dernière heure / Peut pénétrer des morts la profonde demeure ? »). Puis, il demande de donner un peu plus de sentiment :

Lâchez les chevaux ! Chez Racine, le sentiment doit être lâché.

L’apprentie s’exécute, et, dans son enthousiasme, laisse échapper un geste – un doigt pointé vers le bas en signe de reproche – et le maestro intervient :

Ce geste-là, ne le fais jamais en tragédie. C’est trop petit, c’est trop quotidien.

  • 4ème scène : Cendrillon de Pommerat – Cendrillon et La Fée

Scène très drôle entre une bonne fée blasée et une Cendrillon complètement névrosée (bientôt en ligne).

Cendrillon Pommerat Master Class Nicolas Vaude.jpg

  • 5ème scène : Les Sincères de Marivaux – La Marquise et Ergaste

La salle rit mais Nicolas Vaude veut affiner le jeu d’Ergaste : « On attend la sincérité, le moment où les choses vont être dites. C’est ton excès de sincérité qui rend la scène drôle. Il faut plus d’humeur, il faut que tu sois plus pressant, plus vif, plus heureux, mais aussi que tu prennes plus de temps au début. Tout ne doit pas être sur le même rythme. » Avant de s’exclamer :

Ah ! C’est difficile de trouver le ton juste pour Marivaux ! On parle de marivaudage, d’échanges de douceurs… La langue est douce, oui, mais pas le jeu, pas les sentiments. Il faut du jeu, sinon ça ne passe pas. Notre langue est moins chantante, raison de plus pour que les sentiments soient très hauts !

Nicolas Vaude Master Class Foyer Trévise.jpg

Voilà une belle matinée de théâtre ! Pour vous tenir informés des prochaines Master Classes ou voir toutes les photos, vous pouvez vous rendre sur la page Facebook du Foyer !

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Cette entrée a été publiée le 10 février 2016 par dans Théâtre, et est taguée , , , , , , .
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