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Sébastien Thiéry aux Molières 2015 : coup de pub raté pour les intermittents

Sébastien Thiéry tout nu Molières 2015 Fleur Pellerin France 2Si vous étiez devant France 2 lundi 27 avril, vous n’avez pas pu rater l’intervention de l’auteur de théâtre contemporain Sébastien Thiéry à la 27ème Nuit des Molières. En tenue d’Adam et l’air renfrogné, le dramaturge s’est placé derrière la tribune pour interpeller Fleur Pellerin en ces termes :

« Madame la Ministre, Mesdames, Messieurs, la fédération C.G.T du spectacle m’a demandé de vous lire le texte suivant : dans les semaines qui viennent, le gouvernement va devoir se pencher sur la convention de l’assurance-chômage, les annexes 8 et 10 concernant les intermittents du spectacle risquent une nouvelle fois d’être renégociées. Durcir ce régime et le rendre encore plus inégalitaire va à l’encontre de ce pourquoi il a été créé, un système mutualisé pour aider les plus fragiles d’entre nous, et quand je parle des plus fragiles, je pense évidemment aux auteurs dramatiques.

Savez-vous, Madame la Ministre, que les auteurs vivants, sont les seuls, dans toute la profession, à ne pas bénéficier de l’assurance-chômage. Pensez-vous qu’il soit équitable que les acteurs, le metteur en scène, l’assistant du metteur en scène, les figurants, la costumière, bref, tout le monde a le droit au chômage sauf l’auteur. Pourquoi ? On peut faire du théâtre sans costume, sans costumière, n’est-ce pas, mais pas sans auteur. Pourquoi cette discrimination ?

Sébastien Thiéry tout nu Molières 2015 Fleur PellerinJ’sais pas pourquoi… Parce qu’on est laids physiquement, c’est ça ? (il sort de derrière la tribune) J’sais pas, Madame la Ministre, j’vous dégoûte ? Alors parce que les auteurs sont laids comme des poux, ils ont pas droit à l’assurance-chômage ? (il se réinstalle derrière le pupitre) Alors en France, je sais, tout le monde est persuadé que les auteurs de théâtre gagnent beaucoup d’argent, c’est faux ! Bon, c’est vrai pour certains auteurs du théâtre privé, hein, Éric Assous, Florian Zeller ou moi-même, on gagne pas mal d’argent, mais, c’est pas pour ça qu’on n’a pas besoin d’être aidés. Une fois qu’on a payé nos impôts, l’école privée des enfants, la nounou, les vacances à l’Île Maurice, et pour peu qu’on ait une maîtresse ou deux à entretenir, à la fin de l’année, on finit à poil ! Si on veut garder notre train de vie à chaque création. Mais vous savez ce que ça veut dire un succès ? Un succès, ça veut dire qu’on doit plaire à tout le monde : aux comités d’entreprise, aux personnes âgées, aux dentistes de province… C’est pour ça qu’on écrit des pièces stupides ! Un acteur mauvais qui joue faux pendant 507 heures, il a le droit au chômage ! Un auteur du privé qui écrit une merde, il se retrouve dedans !

(Il quitte à nouveau la tribune) Et je vous parle pas du cauchemar que vivent les auteurs du théâtre subventionné. Savez-vous, madame la Ministre, que les auteurs sont payés à la recette en France ? Et comme au théâtre public y’a pas de recettes, les auteurs ne gagnent rien. Ecoutez, y’a trois semaines, je suis allé dîner chez Joël Pommerat, là-bas, chez lui, en Normandie, y’avait pas de viande… Non, mais on a passé une très bonne soirée… On était assis par terre, on a mangé des chips, avec du ketchup, c’est très sympa… Mais enfin quand même ! Joël Pommerat est un des plus grands auteurs contemporains, il a reçu deux Molières et il peut pas s’acheter un poulet ! Non mais je sais pas, vous trouvez ça normal ?

Sébastien Thiéry nu Molières 2015 Fleur Pellerin

(Il descend dans la salle) Elle est où la Ministre ? Madame, les auteurs du subventionné n’ont plus les moyens de se nourrir correctement, ni de se laver tous les jours, ni de s’épiler une fois par semaine, enfin je parle pour les femmes… Madame, ils sont tous dépressifs, c’est pour ça qu’ils écrivent des pièces chiantes. Madame la Ministre, nous sommes des auteurs vivants, ne faites pas de nous des survivants. »

On va encore m’accuser d’être un réac pudibond insensible au second degré et un pourfendeur néonazi de l’art dégénéré (c’était l’explication donnée par Madame la Ministre de la Culture suite au crevage de « l’arbre » de Mc Carthy  place Vendôme en octobre dernier), mais ce n’est pas la nudité gratuite que je pointe du doigt ; maintenant, comme dirait Chirac, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre.

Le problème c’est que cette nudité-là n’a rien de gratuit, c’est avant tout un coup de publicité raté pour la création théâtrale. Et une autopromotion réussie pour la dernière pièce en date de Sébastien Thiéry : Deux hommes tout nus, dans laquelle l’auteur est aussi comédien, tout nu, naturellement. C’est ça qu’on appelle le « théâtre dans le théâtre » ? Cette piccola famiglia qui fait semblant de défendre l’art pour l’art avec du placement de produit ?

Deux hommes tout nus Sébastien Thiéry François BerléandSébastien Thiéry a fait du tort aux écrivains de théâtre. Comment voulez-vous qu’on les prenne au sérieux avec un ambassadeur qui vient la plume au cul ? Comment voulez-vous que l’image des artistes s’améliore dans l’opinion publique ?  En vérité, il offre un nouveau boulevard aux détracteurs du régime de l’intermittence, de la culture subventionnée et de l’assistanat en général. J’attends de voir ce que donnent les négociations, mais je crois qu’on ne prend pas un gouvernement en otage avec une saucisse…

La vidéo de l’intervention de Sébastien Thiéry aux Molières 2015 :

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