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Cette semaine, nous avons rencontré Laura Domenge, une jeune comédienne talentueuse qui joue en ce moment son one man show au Point-Virgule, mais pas que ! Elle a partagé avec nous son expérience théâtrale très variée.
Bonjour Laura, comment es-tu tombée dans le théâtre ?
Par hasard ! A huit ans, je suis allée voir un spectacle avec mes parents à l’Olympia, « Les sales gosses les imitent », dans lequel des enfants imitaient des sketches d’Elie Kakou ou d’autres succès de l’époque… J’ai trouvé ça génial et j’ai dit à mes parents que j’aimerais bien faire du théâtre. La compagnie distribuait des tracts à la sortie et j’ai voulu m’inscrire à ce que je pensais être un cours de théâtre. Gros quiproquo ! J’ai passé l’audition pour intégrer la troupe, et je me suis retrouvée à jouer dans cette compagnie pro de 10 à 13 ans ! A Bobino, et même aux Etats-Unis… On jouait une adaptation en anglais, je comprenais pas ce que je racontais, mais je le faisais… (rires)
Quand on est tombée dans la marmite toute petite, c’est dur de faire autre chose. J’ai serré les dents jusqu’au bac, parce que c’était le minimum demandé par mes parents. Et quand ils m’ont dit « fais la fac ! », j’ai dit, non ! Je suis allée à l’école Charles Dullin, parce que c’était le seul cours qui faisait un entretien et non pas une audition d’entrée. Non mais oh ! On va là-bas pour apprendre, on n’est pas censés être déjà bons ! En parallèle de l’école, j’ai tout de suite monté un spectacle pour prouver à mes parents et au monde (rires) que j’avais fait le bon choix de carrière. C’était un spectacle muet et musical, sur le thème du métro. Pour financer la production, on a faisait des happenings de scènes classiques dans le métro ! Ça a très bien marché, on a récolté 3000 euros, on a même eu quelques papiers dans la presse, et on a joué le spectacle pendant deux ans. D’abord au Studio-Théâtre de Montreuil, puis au Ranelagh. On a par la suite repris les happenings mais cette fois-ci pour amener les gens au théâtre. On se défonçait la voix, mais heureusement le spectacle était muet !
Voyant ma motivation, mes parents étaient rassurés. Puis, la troupe s’est dissoute et chacun s‘est envolé vers de nouveaux projets. Ça, c’était en parallèle de mes deux premières années chez Dullin. En troisième année, j’ai assisté le directeur de l’école pour le spectacle de fin de promo qui s’appelait « La Saga des masques ». Cette expérience a conforté mon goût pour la mise en scène et m’a donné celui de la pédagogie.
L’année suivante je suis devenue prof chez Dullin. J’étais en charge de créer en 2 mois des spectacles de 30 minutes présentés au Théâtre Mouffetard dans le cadre du Festival Sacrées Bobines. J’écrivais, je mettais en scène, et je tâchais de créer de la cohésion dans les groupes, bref j’apprenais autant que les élèves.
A la sortie du cours, j’ai repris « La Saga des masques » avec toute ma promo de Dullin. Je faisais dix personnages dans le spectacle, et un de mes anciens profs, Christian Lucas, m’a dit : « tu tiens bien les personnages, tu devrais essayer le one man show. » C’était pas vraiment mon envie à la base, je voulais faire du théâtre « révolutionnaire », j’avais une mauvaise image du one, et je voulais essayer de créer du « divertissement intelligent ». Mais j’avoue que l’organisation d’une troupe demande énormément d’énergie et j’ai commencé à me dire que ça pourrait me permettre d’avancer seule, et de m’écrire des rôles substantiels. Avec Christian, on s’est mis à écrire quelque chose, en tâtonnant.
Il se trouve que je ne me sentais pas encore armée en tant que comédienne. Et là, nouveau hasard, sur un court métrage, je rencontre des élèves du Conservatoire du 5ème arrondissement et je me dis : « ce sont des tueurs ! ». Ils composaient tout en finesse, il fallait que j’apprenne à faire ça ! J’ai passé l’audition pour le Cons’ et j’ai passé deux ans là-bas. La première année, j’ai tout désappris, on m’a fait travailler sur ma « vraie nature », on m’a aidé à développer ma personnalité. C’était très différent de chez Dullin. Il n’y avait pas de prédominance de la technique, le prof n’avait pas la suprématie de la parole. Tu passais une scène et tous les élèves donnaient leurs impressions pendant 40 minutes.
En sortant du Cons’, je me suis sentie armée et j’ai décidé de me consacrer au one. Mais je le cachais, parce que le genre était mal vu des « théâtreux ». J’ai rien testé, j’ai écrit tout un spectacle que je suis allée jouer à Nice devant un public d’inconnus. 4 dates. C’était vraiment de la merde, mais les retours étaient très encourageants. J’entendais quelque chose comme : « C’est nul, mais ça va être bien un jour ! » (rires) L’avantage du one, c’est qu’on peut facilement se produire dans les cafés-théâtres. J’ai commencé au Théâtre Popul’Air du Reinitas et puis, coup de chance, Christelle Graillot, la chasseuse de Talents de Canal +, a eu un coup de cœur et a trouvé une production pour mon spectacle… J’étais la première artiste sélectionnée par le programme Vivendi Talents et je me suis retrouvée du Popul’Air à l’Olympia en une semaine ! Après ça, le Palais des Glaces et maintenant le Point-Virgule.
Qu’est-ce que tu fais à côté de ton one aujourd’hui ?
Je garde un pied dans le théâtre « théâtre ». J’ai joué en mars dernier au HTH, Théâtre National de Montpellier avec un groupe de potes de Dullin et du Cons’ du 5ème un huis-clos intitulé « Transitions lost in the same wood ». La structure du spectacle est fixe mais on improvise à l’intérieur tous les soirs ! J’espère reprendre ce spectacle. Avec ces mêmes personnes, que je définirai comme mon « crew » ma « famille de travail », on bosse sur le développement d’une pièce radiophonique et sur des courts-métrages, des séries…
Je participe aussi à des projets sur des chaînes Youtube avec un autre « crew » de potes :
Je joue dans Lolywood, des formats courts diffusés sur D17 :
J’écris une chronique mensuelle dans Glamour qui s’appelle « Hey c’est pas grave » ! (rires) C’est un exercice nouveau pour moi de s’adresser à un public uniquement féminin :
Et je continue à donner des cours, parce que j’adore ça ! Je prépare des élèves pour les concours nationaux et j’anime des cours pour amateurs au sein de la compagnie Et alors ! dans le 12ème.
Est-ce que tu as une scène de théâtre qui t’inspire ?
Dans Chaise d’Edward Bond, une pièce futuriste, on est en 2077, dans un Etat qui contrôle tout. Il y a une scène terrible où une assistante sociale visite l’héroïne, qui cache un adulte un peu retardé. La fonctionnaire remarque que la femme vit dans un deux-pièces alors que c’est interdit pour une femme seule, l’espace public devant être optimisé. C’est un agent qui n’a pas de nom, juste un numéro, et elle ne fait que parler de chiffres… Tout est déshumanisé. Ce personnage est tellement terrifiant qu’on est obligé d’en rire, sinon c’est trop dur.
Une scène de film ?
Il y a une scène chantée magnifique dans Devdas. C’est un Romeo et Juliette version Bollywood. C’est esthétiquement fou !
Est-ce qu’il y a un(e) comédien(ne) qui t’inspire ?
Les Chiche Capon ! C’est une troupe de tarés qui prend en otage le public et qui nous fait rire par épuisement !
Le mot de la fin ?
Je terminerai par une citation de moi même en toute modestie (rires) : « Chaque personne est unique et chaque unique n’est personne », alors on arrête de s’la jouer et on se met au boulot !
Nous remercions Laura Domenge pour cet entretien ! La comédienne joue En Personnes au Point-Virgule jusqu’au 14 juin 2016, si vous voulez plus d’infos sur le spectacle, c’est par ici. Allez, soyons fous, on vous met aussi sa page Facebook !