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Tirade de Philippe Noiret (que vous pouvez facilement arranger en monologue) tirée du film Les Côtelettes de Bertrand Blier (2003). (Merci encore au Caviar du Cinéma !). Vous reconnaîtrez aussi Michel Bouquet, qui lui donne la réplique. La vidéo suit le texte :
PHILIPPE NOIRET : J’étais tout seul ici, j’avais dit au bureau que personne me dérange, d’ailleurs je coupe ma ligne, je coupe même mon fax, comme ça je serai tranquille. J’avais un gros contrat à éplucher. Tout d’un coup, dans le couloir, j’allais dans la cuisine pour me faire un café, devinez sur qui je tombe. Nacifa, qui venait en sens inverse.
Aussitôt, elle s’efface, elle se colle contre le mur, pour me laisser passer. Et moi, tout d’un coup, je ne sais pas ce qui me prend, au lieu de continuer vers la cuisine, je m’arrête, je me retourne, et je regarde son visage. Son visage… Elle avait les yeux baissés, elle a toujours les yeux baissés quand elle me croise dans l’appartement. Moi je la regardais. Je regardais sa peau, j’entendais son cœur battre
MICHEL BOUQUET : Et alors ?
PHILIPPE NOIRET : Il faut que cette femme redresse la tête, je me suis dit, qu’elle retrouve sa noblesse, qu’elle soit aimée d’un homme, un homme qui serait fou d’elle, qui lui donnerait tout ce qu’qui lui donnerait tout ce qu’elle n’a jamais eu, des choses auxquelles elle n’avait même jamais pensé.
MICHEL BOUQUET : Quelles choses ?
PHILIPPE NOIRET : Le calme. Le repos. Le temps qui passe lentement. Le plaisir d’être elle-même. Et de se plaire à elle-même. Qu’elle connaisse le bonheur d’être enfin paresseuse, capricieuse, qu’elle ait des insolences ! Et que, parfois même, délice, elle s’offre le luxe de dire « non » ! Est-ce que seulement une fois dans sa vie elle a eu la possibilité de dire « non ! » ? Jamais. Toujours la tête baissée. La tête baissée devant l’homme, devant la religion, devant la fatalité d’être fertile.
Alors, moi, le beauf de gauche, qu’est-ce que je fais devant cette femme qui baisse toujours les yeux ? Qu’est-ce que j’en fais ? Qu’est-ce que j’en fais de tout mon pognon ? De ma Mercedes à 300 plaques ? De ma maison dans le Lubéron ? Oui, dans le Luberon ! Je reste avec ma poule, sous prétexte qu’elle a le ventre plat et des nibards de compétition ! C’est ça ce que je fais ?!
MICHEL BOUQUET : Vous n’envisagez pas de faire quelque chose d’insensé ?
PHILIPPE NOIRET : Je vais faire la première chose vraiment belle de ma vie !
MICHEL BOUQUET : Nacifa ?
PHILIPPE NOIRET : Nacifa !
MICHEL BOUQUET : Mais non ?
PHILIPPE NOIRET : Si !
MICHEL BOUQUET : Je vais la prendre dans mes bras et je vais l’emmener dans un endroit sublime, où elle pourra enfin se récupérer et redevenir une femme.