Textes & Scènes de Théâtre / Dialogues de Cinéma / Séries / Littérature / Philo / Poésie…
Toujours à cette heure tardive, je descends boire le dernier verre. Et je le contemple avec une tendresse particulière. D’habitude, j’ai eu de la chance à ma machine, et je réserve le dernier verre pour boire aux dieux qui m’ont donné cette chance. Et ce soir, ou plutôt, ce petit matin, je me suis dit pour la première fois : dernier verre ? Et le dernier des derniers ? Ça arrivera. L’heure du dernier verre sonnera pour tout le monde. Bizarre d’imaginer ce corps, là, étendu, qui ne veut pas boire. Vous aurez beau me le verser dans la bouche, nada. « Chinaski ? Non. Il n’a pas rejoint les Alcooliques Anonymes. Il a juste arrêté, d’un seul coup, bingo, comme ça. – Ah ouais ? Comment il peut écrire ? Il a toujours écrit bourré. – Il n’écrit plus. – Il se dégonfle, l’enfoiré. J’ai toujours dit qu’il était bidon ! » Entretemps, je bois aux dieux. Je regarde dans la matin de la nuit et compte huit fils téléphoniques, soixante-neuf années, deux arbres, et c’est tout ce que je vois. Il ne reste plus qu’un demi-verre. Une gorgée pour les dieux, une gorgée pour moi. Et voilà. Quelle entente. Quel triomphe. Alors que les murs m’enveloppent et que je me dirige vers la chambre, la joie et la musique sur les talons. Le parfait dernier verre. Une fois, encore.
Court monologue (2 minutes) pour un homme (mûr) extrait du recueil d’histoires et de poèmes Septuagenarian Stew de Charles Bukowski. Vous pouvez acheter le livre en ligne et le récupérer dans la librairie la plus proche via ce lien Place des Libraires : Le Ragoût du septuagénaire – Charles Bukowski