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Image du film Wake in Fright de Ted Kotcheff (1971).
Petit passage de Chien Blanc que j’ai transformé en court monologue, car il est assez amusant. C’est à l’origine un dialogue entre l’alter ego romanesque de Romain Gary et Jack Carruthers, un ancien cascadeur d’Hollywood devenu propriétaire d’un véritable zoo privé.
JACK. J’ai des emmerdements avec mes kangourous ce matin. La mère de famille a rossé papa, mais quelque chose de maison. Je ne sais pas ce qui se passe dans cette famille. La psychologie des kangourous, il y a des fois où je m’y perds. On dit que les Australiens ressemblent aux Américains, mais c’est pas tellement vrai pour les kangourous. Qu’est-ce qu’elle a, cette pute ? Il n’y a pas d’autre femelle dans la vie de mon gars, alors ? Ça m’ennuie, parce qu’ils doivent donner une exhibition de boxe cet après-midi, au profit des orphelins coréens. Le vieux n’est pas en état de se battre. Complètement terrorisé. Vous savez, tous les kangourous sont un peu dingues. J’en ai eu un, il y a quelques années, qui tombait dans les pommes chaque fois que je lui présentais une femelle en chaleur. Il humait l’air, par petites aspirations rapides, comme un lapin, et puis il tournait de l’oeil. Un émotif. La femelle était tellement vexée qu’elle lui sautait dessus à pieds joints. La psychologie, mon ami, ça ne vous cause que des emmerdements. Bon, il faut que j’aille remonter le moral à mon kangourou. Be seeing you.
Texte extrait du roman Chien Blanc de Romain Gary, 1970, folio, p33-34. Vous pouvez acheter le livre en ligne et le récupérer dans la librairie la plus proche via ce lien Place des Libraires : Chien Blanc — Romain Gary