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Rien à voir avec les peintures rupestres ! L’Art des Cavernes met en scène un groupuscule anticapitaliste qui s’attaque à la publicité, en l’an de grâce 1995. Depuis leur local clandestin, Manolo, Maurice et Octave préparent des opérations de « tartinage ». Ils sont bientôt rejoints par Jacques, un garçon perdu dont le caractère rappelle les marginaux de Dupontel. Mais je n’en dis pas plus… et je laisse Léo Dérumaux et Barthélémy Maupas vous raconter l’histoire de cette création très originale, que vous pourrez découvrir au Festival OFF d’Avignon !
V.M. : Bonjour Léo et Barth ! Comment vous vous êtes rencontrés tous les quatre ?
L.D. : En école de commerce. On était tous dans l’asso de théâtre, mais chacun dans une promo différente. Il y a Ronan, l’aîné, qui joue logiquement le personnage de Manolo, leader des « Tartineurs ». Moi, j’étais une année en-dessous de lui. Et puis est venu Alex, et, enfin, Barth. D’ailleurs, je tiens à dire qu’on avait aussi une fille dans l’équipe au départ ! Mais, malheureusement, Sophie est devenue prisonnière de son patron capitaliste (Rires.), et elle n’a pas pu continuer l’aventure avec nous…
V.M. : C’est dans cette asso de théâtre que vous avez eu l’idée de créer une pièce ensemble ?
B.M. : En fait, après l’école, on a continué à aller voir des pièces ensemble, notamment au Festival d’Avignon, où on se retrouvait chaque été. Avignon est devenu un véritable pèlerinage commun, c’est là-bas que notre groupe s’est vraiment créé, et qu’on a eu l’envie de monter une pièce tous les cinq.
V.M. : Pourquoi avoir choisi une création plutôt qu’une pièce existante ?
L.D. : C’est très bête, mais on savait que le Festival coûtait cher, et la création permet déjà de s’affranchir des droits d’auteur !
V.M. : Et comment vous êtes-vous débrouillés pour écrire à cinq ?
B.M. : On a fait ça de manière assez « démocratique ». Au départ, chacun est venu avec sa proposition de scénario. Autour de l’idée de Ronan, qui avait suggéré de placer l’histoire dans l’univers militant, on a réussi à croiser des éléments correspondant à certains personnages, à certaines situations… On s’est enfermés pendant quelques jours pour tisser l’intrigue scène par scène, étoffer les personnages et leurs relations, et on a fait un vote pour choisir qui jouerait qui… je t’avais dit que c’était très démocratique ! (Rires.)
L.D. : Et puis on s’est mis au plateau : on a fait beaucoup d’impros collectives autour de ce qu’on avait déjà imaginé, on s’est filmés pour voir ce que ça donnait, on a joué les situations à la table, et on a réécrit, et encore réécrit… Il faut savoir qu’on n’a pas du tout cherché à créer une pièce à lire. Sur le papier, le texte n’a pas un grand intérêt littéraire. On voulait vraiment créer une pièce à jouer, avec du rythme et de la vie sur scène.
V.M. : Est-ce que le spectacle porte un message politique ?
L.D. : Pas vraiment. On voulait surtout étudier le phénomène de l’endoctrinement, essayer de voir comment des individus s’emballent pour une cause, quelle qu’elle soit.
B.M. : On traite ça de manière assez légère, avec des personnages de comédie, un peu caricaturaux, un peu burlesques, mais qui représentent quand même quelque chose de réel et de touchant.
V.M. : Pourquoi vous avez choisi de placer l’action dans le passé, plutôt qu’aujourd’hui ? Il me semble que la publicité est plus présente que jamais…
L.D. : On a trouvé ça marrant d’ajouter un cadre empreint de nostalgie, façon Amélie Poulain. C’est une époque dont on se souvient très bien, qui est associée à notre adolescence, et qui nous paraissait relativement « heureuse ».
B.M. : Ça nous a aussi permis de rendre la mise en scène très concrète, autour d’objets et de références qui aident le jeu.
V.M. : Oui, il y a d’ailleurs quelques belles trouvailles de mise en scène, autour d’un rétroprojecteur, notamment… Ce qui me fait penser qu’on a peu parlé de votre parcours après l’école de commerce. Vous avez fait quelle formation de théâtre ?
L.D : Alors, une fois validé le diplôme, Ronan et moi sommes allés au Studio Muller. Et maintenant, on est tous les deux « Profs de Lettres Modernes » dans le 93. Ce qui nous laisse un peu de temps pour continuer les projets de théâtre.
B.M : Alex a fait le Conservatoire du XIIIème arrondissement. Et moi, je suis en train de finir ma formation au cours Florent.
V.M. : Comment vous êtes tombés dans le théâtre tous les deux ?
B.M. : Je faisais déjà un peu de théâtre au lycée, et j’ai tout simplement trouvé énormément de plaisir sur scène. Après la prépa, j’étais très content de reprendre le jeu au sein de notre asso. Et c’est en faisant un stage chez Gaumont que j’ai vraiment compris que je ne pouvais pas vivre ma passion de loin, et qu’il fallait que je continue. Comme par hasard, à ce moment-là, une copine n’a pas pu se rendre à une audition pour entrer au cours du soir chez Florent, et j’y suis allé à sa place. Je suis passé du cours du soir au cours pro, et plus je faisais du théâtre, et moins je me voyais faire une carrière en entreprise…
L.D. : Depuis tout petit, j’aime jouer la comédie. Et je me souviens qu’au lycée, je suis allé voir Tartuffe au Théâtre du Nord à Lille (dans une mise en scène de Braunschweig), et j’ai pris une grosse claque ! Je suis devenu obsédé par ces alexandrins, j’ai lu et relu la pièce, j’ai appris des passages par coeur… Comme Barth, j’ai repris après la prépa, et quand le premier stage en entreprise est arrivé, j’ai compris qu’il fallait vraiment que je retourne faire du théâtre !
V.M. : Vous avez des artistes qui vous inspirent particulièrement ?
L.D. : Je suis assez impressionné par Alexandre Astier. Ce mec-là est un bourreau de travail, un hyperactif qui touche à tous les domaines, sans s’afficher. Et même si on peut parfois trouver quelques faiblesses dans ses productions, elles sont toujours sincères, bourrées de références et très libres.
B.M. : Trop ! Et en plus ça dépend des jours…
V.M. : Pour conclure, un « mot » qui vous inspire ?
L.D. : C’est une citation de Bossuet que j’aime beaucoup, et qui colle pas mal avec la pièce : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».
B.M. : « La puissance du slogan, cette sort de projectile verbal, ne tient pas tant à son caractère prononcé, abrupt, péremptoire, compact, qu’au fait d’être aussi une parole venue de nulle part, tombée qui sait d’où, s’autorisant de l’évidence qu’elle annonce, formulée sur le double-mode du « on-dit » ou du « sachez-le » »….
Merci à Léo et Barth de m’avoir accordé cet entretien. Vous pourrez retrouver les quatre « Tartineurs » au Festival OFF d’Avignon, du 6 au 29 juillet 2018 : ils joueront L’Art des Cavernes au Pixel Théâtre, tous les jours à 13h50. Vu le thème de la pièce, je ne vais pas me lancer dans un vil message de publicité… MAIS ALLEZ-Y ! Ce sont quatre comédiens éminemment sympathiques, drôles, touchants, et vous entendrez à nouveau parler d’eux ! Vous pouvez suivre leurs aventures sur Facebook : L’Art des Cavernes