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On reprochait dernièrement à Emmanuel Macron du mépris parce qu’il avait osé appeler un pauvre un pauvre. Pas de quoi monter au créneau, les euphémismes réconfortants sont depuis longtemps monnaie courante et le mot pauvre est trop politique pour être honnête. En revanche, il est choquant de voir ce besoin de substitution appliqué aux dialogues québécois de Mommy de Xavier Dolan, qui sont traduits dans un français littéralement « niaiseux ».
Que « fin de semaine » soit traduit par « week-end » passe encore, je ne vais pas relancer le débat sur la loi Toubon, même si on a compris l’idée… Néanmoins, est-il vraiment nécessaire pour le public français de transformer un « tabernacle ! » expressif (les trois acteurs principaux sont remarquables) et pittoresque en « bordel de merde ! » ou « bordel de cul ! » ? Est-il indispensable de changer « j’ai de la peine » en « ça me fout les boules », ou « l’aimes-tu ? » (à propos d’un char) en « elle te fait triper ? » Et j’en passe… Voilà « obvioussement » (Steve emploie cet adverbe créole et sa mère lui répond « il doit pas être dans le dictionnaire celui-là ») une belle occasion manquée de jouir de la belle langue que parlent nos cousins !
A croire que le français est devenu quelque chose comme une langue morte, obsolète et suspecte car elle est trop chargée d’histoire et de nuances pour notre époque ! La vérité est que la fameuse exception culturelle ne déroge pas à la règle. Même dans le champ de la création artistique, la mondialisation et le politiquement correct réduisent notre langage à son expression la plus simple, à ce format carré que Dolan utilise et que Steve tente d’élargir (cf. photo), à un double espresso franglouillard dont on boit les paroles insipides avec du petit lait dans tous les cafés du no man’s langue.
Pour un film francophone et résolument moderne sur la liberté, il y a de quoi se foutre par la fenêtre !