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Beau-Père de Blier : monologue du pianiste (Patrick Dewaere)

Beau-Père bertrand Blier film Patrick dewaere pianiste

Patrick Dewaere dans Beau-Père de Bertrand Blier (1981)

Monologue de Patrick Dewaere dans Beau-Père de Bertrand Blier (1981) (l’extrait vidéo du film suit le texte).

C’était l’époque où je travaillais comme pianiste dans un restaurant de style cossu, international, au premier étage d’un hôtel en forme de tour, avec vue imprenable sur la capitale. Ca aurait pu tout aussi bien se passer à Montréal, à Zurich ou ailleurs, y aurait eu la même proportion d’Américains, de Japonais, de Saoudiens… les mêmes créatures aux yeux fatigués d’avoir trop compté les dollars… Je pouvais leur jouer n’importe quoi, Gershwin, Chopin, Art Tatum… de toute façon, ils écoutaient pas. Tout ce qu’on me demandait c’était de faire le moins de bruit possible, juste un peu d’ambiance, quelque chose de ouaté, comme un velours, pour accompagner leur saint-émilion, leur shrimp cocktail, leur T-Bone steak… Alors, je jouais pour moi tout seul, des vieux airs de Bud Powell, dont j’essayais de retrouver le phrasé sans jamais y parvenir, car je ne parvenais jamais à rien…
Je m’étais fixé jusqu’à trente ans pour réussir quelque chose dans la vie, et j’avais 29 ans et demi. Il me restait plus que six mois. En attendant, on me refilait 250 balles par soirée, plus la bouffe et la boisson à volonté. J’étais content. Le seul problème, c’était que que je venais juste de me faire engager, et les salauds, ils avaient pas voulu entendre parler de la moindre avance, même minime. Autant vous dire que j’attendais avec impatience la fin de la semaine pour toucher mon pognon, et la fin de la soirée pour aller me coucher. Vers minuit, les tables commençaient à se dégarnir. En général je me retrouvais en tête à tête avec un couple d’amoureux, des retardataires de l’affection, que j’avais pour mission de mener à bon port avec mon clavier magique. Allez donc savoir ce qui se passe dans la tête d’un pianiste, derrière ses touches, pendant que vous sirotez votre champagne. Si ça se trouve, lui aussi il est amoureux, ou triste, parce que sa femme l’attend, ou parce que sa femme ne l’attend plus, parce qu’elle vient de le quitter, ou parce qu’elle va le quitter…

Beau-Père de Bertrand Blier. N’oubliez pas qu’il est impossible de travailler un texte sans l’œuvre complète. Voir notre liste de textes et de scènes issus du théâtre, du cinéma et de la littérature (pour une audition ou pour le plaisir)

Un commentaire sur “Beau-Père de Blier : monologue du pianiste (Patrick Dewaere)

  1. nowowak
    22 juillet 2020

    Grand plaisir de relire cette tirade, merci !

    J’aime

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Cette entrée a été publiée le 30 mars 2017 par dans Cinéma / Séries, et est taguée , , , , , , , .
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