La Compagnie Affable

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À travers le miroir d’Ingmar Bergman : Karin et son père

À travers le miroir Ingmar Bergman film

Harriet Andersson (Karin) et Gunnar Björnstrand (David) dans À travers le miroir d’Ingmar Bergman.

Après un nouvel épisode schizophrène, Karin exprime toute son angoisse à son père. Celui-ci demande pardon à sa fille pour son absence, son égoïsme d’artiste, et, paradoxalement, son incapacité à vivre dans le monde réel… (Voir une précédente scène).

KARIN. — Papa ?

DAVID. — Oui ?

KARIN. — J’aurais préféré rester à l’hôpital. Je ne veux plus de traitements. Tu crois qu’ils les arrêteront si tu leur demandes ?

DAVID. — Je ne sais pas. 

KARIN. — On ne peut pas vivre dans deux mondes. Il faut choisir. On ne peut pas aller de l’un à l’autre. Ça ne peut pas continuer. 

DAVID. — Quoi ?

KARIN. — La haine.

DAVID. — Quelle haine ?

KARIN. — Je ne l’ai pas fait délibérément. Une voix m’a guidée.

DAVID. — Elle t’a dit de lire mon journal ? (Karin acquiesce.) Et aussi d’aller raconter à Martin ce que tu as lu ? (Karin acquiesce une nouvelle fois.)

KARIN, se met à pleurer. — J’ai fait pire que ça… Bien pire… J’ai essayé d’y résister, mais c’était trop fort… J’y ai été forcée…

DAVID. — C’est arrivé quand ? 

KARIN. — À l’instant. Pauvre petit Minus… (Elle éclate.) Je ne comprends pas ! Je ne comprends pas !

DAVID. — Essaie de rester calme, Karin.

KARIN. — Et puis, il y a la salle d’attente…. Les bonnes lumières qui attendent que la porte s’ouvre, et que Dieu vienne vers elles… C’est là que j’entends les voix… et je dois leur obéir. Je n’arrive pas à tout comprendre… Tout ça, ce n’est que ma maladie… ? Papa… C’est si horrible de voir sa propre confusion… et de la comprendre…

DAVID. — Je te demande pardon. J’ai toujours culpabilisé par rapport à toi, et je me suis endurci, je me suis détourné de toi. Quand je pense à tout ce que j’ai sacrifié pour mon soi-disant art… ça me répugne. Quand Maman est morte, j’ai connu la réussite. C’était plus important que sa mort. Je cachais ma joie, et pourtant, j’aimais ta mère. À ma façon perdue et égoïste. 

KARIN. — Et quand je suis tombée malade, tu es parti en Suisse. 

DAVID. — Je ne supportais pas que tu hérites sa maladie. Je me suis enfui. Il fallait que je termine mon roman. 

KARIN. — Il est bien, au moins ?

DAVID, sourit. — Tu vois, Karin… On trace un cercle magique autour de soi, en excluant tout ce qui ne convient pas à nos jeux secrets. Chaque fois que la vie brise ce cercle, ces jeux deviennent petits, ternes, et ridicules. Alors on trace aussitôt un autre cercle protecteur. 

KARIN. — Pauvre petit Papa…

DAVID. — C’est ça… Pauvre petit Papa, qui est obligé de vivre dans la réalité. (Il enlace tendrement sa fille.)

KARIN. — Rentrons. Je dois faire mes valises…

Dialogue pour une jeune femme et un homme plus âgé extrait d’À travers le miroir d’Ingmar Bergman. N’oubliez pas qu’il est impossible de travailler une scène sans connaître l’oeuvre intégrale. Vous pouvez regarder le film sur le site Mubi (7 jours d’essai gratuit) en cliquant sur ce lien

Voir aussi notre liste de textes et de scènes issus du théâtre, du cinéma et de la littérature (pour une audition, pour le travail ou pour le plaisir)

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