La Compagnie Affable

Textes & Scènes de Théâtre / Dialogues de Cinéma / Séries / Littérature / Philo / Poésie…

Salomé d’Oscar Wilde : monologue à la tête coupée

Salome Jessica Chastain Oscar Wilde Al Pacino

Jessica Chastain dans la pièce filmée d’Al Pacino (2013).

Connaissez-vous l’histoire de Salomé, et du pauvre Jean-Baptiste (ci-dessous dénommé «Iokanaan»)… ? Si ce n’est pas le cas, vous allez vite comprendre que ce monologue se joue avec un accessoire un peu spécial… 

SALOMÉ, tient la tête de Jean-Baptiste. — Ah! Tu n’as pas voulu que je baise ta bouche, Iokanaan. Eh bien, je vais la baiser maintenant. Je vais mordre ta bouche, avec mes dents, comme on mord dans un fruit mûr. Oui, je vais baiser ta bouche, Iokanaan. Ne te l’avais-je pas dit? Si, je te l’avais dit. Ah! Je vais la baiser maintenant. Mais pourquoi ne me regardes-tu pas, Iokanaan? Tes yeux si terribles, si pleins de rage et de dédain, sont fermés à présent. Pourquoi sont-ils fermés? Ouvre-les! Soulève tes paupières, Iokanaan! Pourquoi ne me regardes-tu pas? As-tu si peur de moi, Iokanaan, que tu n’oses me regarder? Et ta langue, qui était comme un serpent venimeux, elle ne bouge plus, elle ne dit plus rien, Iokanaan, cette vipère écarlate qui crachait son venin sur moi. C’est étrange, n’est-ce pas? Comment se peut-il que cette vipère rouge ne remue plus? Tu ne me voulais pas, Iokanaan. Tu m’as rejetée. Tu m’as dit des choses infâmes. Tu m’as traitée comme une fille de joie, comme une prostituée, moi, Salomé, fille d’Hérode, Princesse de Judée! Eh bien, je vis encore, et toi, tu es mort, et ta tête m’appartient. Je peux en faire ce que je veux. Je peux la jeter aux chiens, et aux oiseaux du ciel. Ce que les chiens laisseront sera dévoré par les oiseaux du ciel. Ah, Iokanaan, Iokanaan, tu fus le seul homme que j’aimais! Tous les autres hommes m’étaient odieux. Mais toi, tu étais beau! Ton corps était une colonne d’ivoire posée sur des pieds d’argent. C’était un jardin empli de colombes et de lys argentés. C’était une tour d’argent ornée de boucliers d’ivoire. Rien au monde n’était plus blanc que ton corps. Rien au monde n’était plus noir que tes cheveux. Rien au monde n’était plus rouge que ta bouche. Ta voix était un encensoir aux parfums étranges, et chaque fois que je te regardais, une étrange musique me parvenait. Ah, pourquoi ne m’as-tu pas regardée, Iokanaan? Tu cachais ton visage derrière tes mains et tes blasphèmes. Tu as mis sur tes yeux le bandeau de celui qui veut voir son Dieu. Eh bien, tu l’as vu ton Dieu, Iokanaan, mais moi, moi… tu ne m’as jamais vue. Si tu m’avais vue, tu m’aurais aimée. Moi, je t’ai t’ai vu, et je t’ai aimé. Oh, combien je t’ai aimé! Je t’aime toujours, Iokanaan… Je n’aime que toi. J’ai soif de ta beauté; j’ai faim de ton corps; et ni le vin ni les fruits ne peuvent apaiser mon désir. Que dois-je faire maintenant, Iokanaan? Aucun fleuve, aucun déluge, ne peut éteindre mon désir. J’étais une princesse, et tu m’as méprisée. J’étais vierge, et tu m’as déflorée. J’étais chaste, et ton feu brûle sous ma peau… Ah! Ah! Pourquoi ne m’as-tu pas regardée? (Elle embrasse la tête.) […] Ah! J’ai baisé ta bouche, Iokanaan, j’ai baisé ta bouche. Tes lèvres avaient une saveur amère. Était-ce le goût du sang? Non ; mais peut-être était-ce le goût de l’amour… On dit bien que l’amour est amer… Mais qu’importe? Qu’importe? J’ai baisé ta bouche. 

Monologue pour femme extrait de Salomé d’Oscar Wilde. (Le texte a été quelque peu modifié par rapport à la version originale.) N’oubliez pas qu’il est impossible de travailler une scène sans connaître l’oeuvre intégrale. Vous pouvez acheter le livre en ligne et le récupérer dans la librairie la plus proche via ce lien Place des Libraires : Salomé – Oscar Wilde

→ Voir aussi notre liste de textes et de scènes issus du théâtre, du cinéma et de la littérature (pour une audition, pour le travail ou pour le plaisir)

Laisser un commentaire

Information

Cette entrée a été publiée le 14 Mai 2019 par dans Audition / Casting, Cours de théâtre, Monologue, Théâtre, et est taguée , , , , , , , , .