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Nathalie Baye et Gilbert Melki dans le film Vénus Beauté de Tonie Marshall (1999).
Scène d’ouverture du film Vénus Beauté. Angèle Piana (Nathalie Baye) raconte sa vie à son nouvel amant (Gilbert Melki), mais celui-ci attend simplement le train qui va le ramener chez lui…
ANGÈLE. – Il m’a poussé dans le foin, il a tiré sur ma culotte, et là, j’ai rougi des fesses ! Je te jure, elles étaient brûlantes ! J’avais quoi… ? Six ans. (Bref silence.) C’est drôle, je te raconte ma vie et tu m’écoutes. En tout cas, tu me laisses parler. J’ai pas toujours l’occasion de parler de moi. J’ai pas toujours envie non plus. Oh, et puis t’aimes les courgettes, c’est un signe ! C’est bête, mais les hommes ils aiment rarement les courgettes. Mon père il en mangeait tous les jours. Il était italien. En Italie, personne traite les femmes de zucchini. Cela dit, il était très dur avec ma mère. Je crois qu’elle aimait ça… Ah, c’est pas mon genre, hein, je préfère te le dire ! (Elle soupire gaiement.) Ah, tu vois il fait beau, je sens qu’on va bien se comprendre… Tu te demandes pourquoi ? Hein ? Bah, c’est simple… Comment dire… T’es brun… J’aime les bruns. Tu parles peu, ça me repose. Puis on fait bien l’amour, ça compte ! On pourrait se voir… deux fois par semaine ? Non ? Non… ? Bois ton café, tu me répondras après. (Bref silence.) Tu m’as même pas demandé mon âge… C’est gentil, mais je vais te le dire quand même. J’ai quarante ans. Disons un peu plus, mais j’en fais un peu moins. Tout le monde me le dit !
L’AMANT. – Tu sais quoi ? Tu devrais t’envoyer en l’air et moins penser à l’avenir, parce que l’avenir c’est stressant, tu vois… Trois jours, c’était bien, enfin moi ça m’a plu. T’es bien faite. Tu dois faire beaucoup de sport, non ? Hein…? Ah ! (Il jette un coup d’œil à sa montre.) C’est l’heure de mon train ! Je viens pas souvent à Paris, j’habite à la campagne. J’ai besoin d’entendre les oiseaux le matin… (Il sifflote.) le chant des oiseaux.
ANGÈLE. – Mais… On va pas se quitter comme ça… ?
L’AMANT. – Eh ben si, justement ! C’est ce qui fait la beauté des trois jours, des trois nuits… C’est comme l’armée, on l’oublie jamais, c’est bon court, et c’est beau…
ANGÈLE. – Bah non ! C’est pas beau ! C’est moche ! C’est dégueulasse !
L’AMANT. – J’ai horreur qu’on insiste, je trouve ça vulgaire.
Il se lève, laisse quelques pièces sur la table et s’en va. Angèle lui colle aux talons.
ANGÈLE. – Et si je décide de te coller, qu’est-ce que tu fais ? Hein ? Si je prends le même train, le même wagon, la place en face de toi, qu’est-ce que tu fais ? Hein ? Rien ! Tu fais rien, parce qu’on est en République ! Et en République, les hommes et les femmes ils ont les mêmes droits ! Tu me jettes, je te colle : un partout ! Alors, tu dis rien ? Hein, t’es sûr ? T’as de la chance, j’ai du travail ! Mais tu t’en sortiras pas comme ça ! Je te retrouverai ! Au moment où tu t’y attendras le moins ! Mocheté, va ! (Elle fait demi-tour.) Allez hop ! Un de moins !
Dialogue extrait de Vénus Beauté de Tonie Marshall (1999). N’oubliez pas qu’il est impossible de travailler un texte sans l’œuvre complète.