Textes & Scènes de Théâtre / Dialogues de Cinéma / Séries / Littérature / Philo / Poésie…
Les époux Bouin (Simone Signoret et Jean Gabin) ne font pas seulement lit à part, ils font aussi table à part… Ils vivent dans l’ignorance et les vacheries. Ce qui fait dire à Madame :
Il devrait y avoir une loi : interdiction absolue aux gens qui ne s’aiment plus de vivre ensemble !
Mais Le Chat (réalisé par Pierre Granier-Deferre, adapté du roman de Georges Simenon) n’est pas une histoire de haine conjugale comme La Poison de Guitry ou celle des Boulingrin, c’est plutôt une mise en scène du dépérissement à la Fin de partie. Le film traite en fait de la mélancolie silencieuse et sournoise qui prend au cœur les vieux devant les boulets de démolition et les cabrioles insouciantes des chats de gouttière. Leur présent déjà étriqué (cf. «Les Vieux» de Jacques Brel) est pris en étau entre les cris sourds du passé et le vacarme du futur.
C’est pas simple de vieillir…
Dit, plein de compassion, le toubib venu ausculter la femme, qui boit pour oublier et qui fume pour passer le temps. «C’est pas simple», répond le mari, blasé. Il tient le même discours résigné à son amie (Annie Cordy), chez qui il trouve refuge de temps à autre :
A. Cordy. – Son cœur est malade, c’est toi qui me l’as dit.
J. Gabin. – Ça, c’est ce qu’elle a réussi à faire dire au docteur.
A. Cordy. – T’es vache.
J. Gabin. – Tiens, tu parles exactement comme elle.
En vérité, il joue l’insensible. C’est un gamin aux cheveux blancs incapable d’accepter que l’amour est tout ce qui lui reste. Il invoque à la fois le vécu et le destin pour excuser son inaction et son laconisme puéril («tant mieux», «tant pis», «m’en fous»…), mais, au fond, il sait et il a choisi :
A. Cordy. – Vous devriez partir chacun de votre côté.
J. Gabin. – Il y a 25 ans qu’on est mariés, aujourd’hui c’est trop tard pour se dérober, faut aller jusqu’au bout.
A. Cordy. – Le bout de quoi ?
J. Gabin. – Le bout.
Pourquoi Le Chat ? J’en ai déjà trop dit. On vous recommande ce drame poétique, bien construit, en ellipse, avec des dialogues parcimonieux (Pascal Jardin), des plans léchés et deux géants du cinéma dans l’âge mûr !