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Nouveau passage d’Indiana. Après avoir accusé Raymon d’être responsable de la mort de son amie Noun, la jeune femme est pleine de remords. Dans cette lettre d’amour, elle veut bien excuser le comportement fougueux de son amant, mais elle veut s’assurer de l’honnêteté de ses sentiments.
« J’ai espéré cette nuit que je perdrais la raison ou la vie. Pour mon malheur, j’ai conservé l’une et l’autre ; mais je ne me plaindrai pas, j’ai mérité les douleurs que j’éprouve ; j’ai voulu vivre de cette vie orageuse ; il y aurait lâcheté à reculer aujourd’hui. Je ne sais pas si vous êtes coupable, je ne veux pas le savoir ; nous ne reviendrons jamais sur ce sujet, n’est-ce pas ? Il nous fait trop de mal à tous deux ; qu’il en soit donc question maintenant pour la dernière fois. Vous m’avez dit un mot dont j’ai ressenti une joie cruelle. Pauvre Noun ! du haut des cieux pardonne-moi ; tu ne souffres plus, tu n’aimes plus, tu me plains peut-être !… Vous m’avez dit, Raymon, que vous m’aviez sacrifié cette infortunée, que vous m’aimiez plus qu’elle… Oh ! ne vous rétractez pas ; vous l’avez dit ; j’ai tant besoin de le croire, que je le crois. Et pourtant votre conduite cette nuit, vos instances, vos égarements, eussent dû m’en faire douter. J’ai pardonné au moment de trouble dont vous subissiez l’influence ; maintenant, vous avez pu réfléchir, revenir à vous-même ; dites, voulez-vous renoncer à m’aimer de la sorte ? Moi qui vous aime avec le cœur, j’ai cru jusqu’ici que je pourrais vous inspirer un amour aussi pur que le mien. Et puis je n’avais pas trop réfléchi à l’avenir ; mes regards ne s’étaient pas portés bien loin, et je ne m’épouvantais pas de l’idée qu’un jour, vaincue par votre dévouement, je pourrais vous sacrifier mes scrupules et mes répugnances. Mais, aujourd’hui, il n’en peut être ainsi ; je ne puis plus voir dans cet avenir qu’une effrayante parité avec Noun ! Oh ! n’être pas plus aimée qu’elle ne l’a été ! Si je le croyais !… Et pourtant elle était plus belle que moi, bien plus belle ! Pourquoi m’avez-vous préférée ? Il faut bien que vous m’aimiez autrement et mieux… Voilà ce que je voulais vous dire. Voulez-vous renoncer à être mon amant comme vous avez été le sien ? En ce cas, je puis vous estimer encore, croire à vos remords, à votre sincérité, à votre amour ; sinon, ne pensez plus à moi, vous ne me reverrez jamais. J’en mourrai peut-être, mais j’aime mieux mourir que de descendre à n’être plus que votre maîtresse. »
Monologue pour une femme extrait du roman Indiana de George Sand. N’oubliez pas qu’il est impossible de travailler un texte sans l’œuvre complète. Vous pouvez acheter le livre en ligne et le récupérer dans la librairie la plus proche via ce lien Place des Libraires : Indiana — Georges Sand