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Elodie Navarre (Médée) dans la mise en scène de Ladislas Chollat au Vingtième Théâtre en 2009.
Par amour pour Jason, Médée a trahi son père, découpé son frère, fait bouillir l’usurpateur du trône de son amant, avant de fuir à Corinthe avec lui… Mais quelques années plus tard, le conquérant de la Toison d’Or tombe amoureux de la fille du roi Créon, et répudie sa femme. Médée vit désormais avec sa Nourrice en périphérie de la ville, au milieu de la lande, dans une vulgaire roulotte. Et sa haine va éclater contre Jason…
MÉDÉE : « Ô ma haine, comme tu es neuve, comme tu es douce, comme tu sens bon. Petite fille noire, voilà que je n’ai plus que toi au monde à aimer. »
Ce monologue vous rappellera peut-être celui de Lady MacBeth…
MÉDÉE, restée seule.
C’est maintenant, Médée, qu’il faut être toi-même… Ô mal! Grande bête vivante qui rampe sur moi et me lèche, prends-moi. Je suis à toi cette nuit, je suis ta femme. Pénètre-moi, déchire-moi, gonfle et brûle au milieu de moi. Tu vois, je t’accueille, je t’aide, je m’ouvre… Pèse sur moi de ton grand corps velu, serre-moi dans tes grandes mains calleuses, ton souffle rauque sur ma bouche, écoute-moi. Je vis enfin! Je souffre et je nais. Ce sont mes noces. C ‘est pour cette nuit d’amour avec toi que j’ai vécu.
Et toi, nuit, nuit pesante, nuit bruissante de cris étouffés et de luttes, nuit grouillante du bond de toutes les bêtes qui se pourchassent, qui se prennent, qui se tuent, attends encore un peu s’il te plaît, ne passe pas trop vite… Ô bêtes innombrables autour de moi, travailleuses obscures de cette lande, innocentes, terribles, tueuses… C’est cela qu’ils appellent une nuit calme, les hommes, ce grouillement géant d’accouplements silencieux et de meurtres. Mais je vous sens moi, je vous entends toutes ce soir pour la première fois, au fond des eaux et des herbes, dans les arbres, sous la terre… Un même sang bat dans nos veines. Bêtes de la nuit, étrangleuses, mes sœurs! Médée est une bête comme vous! Médée va jouir et tuer comme vous. Cette lande touche à d’autres landes et ces landes à d’autres encore jusqu’à la limite de l’ombre, où des millions de bêtes pareilles se prennent et égorgent en même temps. Bêtes de cette nuit! Médée est là, debout au milieu de vous, consentante et trahissant sa race. Je pousse avec vous votre cri obscur. J’accepte comme vous, sans plus vouloir comprendre le noir commandement. J’écrase du pied, j’éteins la petite lumière. Je fais le geste honteux. Je prends sur moi, j’assume, je revendique. Bêtes, je suis vous! Tout ce qui chasse et tue cette nuit est Médée!
Monologue pour femme extrait de Médée de Jean Anouilh, La Table Ronde, 1947, p.78-80. N’oubliez pas qu’il est impossible de travailler un texte sans l’œuvre complète. Une version audio de la pièce lue par Jean Anouilh est disponible sur Deezer et Spotify. Vous pouvez acheter le livre en ligne et le récupérer dans la librairie la plus proche via ce lien Place des Libraires : Médée de Jean Anouilh
Bonjour. De quel geste honteux parle Medée dans ce monologue svp ?
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Ah, je vous invite à lire la pièce si ce texte vous a plu 😉
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