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Harvey Weinstein sur le tapis rouge de Cannes en mai 2012. (ALBERTO PIZZOLI : AFP)
5ème épisode de notre chronique-feuilleton de l’album Zippo contre les Robots (lire le 4ème épisode) !
7. Palme d’or
Dans cette chanson, Zippo décrit l’envers du décor au Festival de Cannes, à travers les yeux d’un simple manutentionnaire. Il sonne le glas des vices à peine cachés sous le tapis rouge : show business, art-supercherie, appâts de la célébrité, beauté artificielle, drogues et luxe indécent… C’est un morceau construit sur des jeux de rythme et de sonorités, qui méritent bien une petite analyse de texte toute en figures de style. Les rimes multi-syllabiques (1) mettent en parallèle les deux soirées vécues respectivement en haut et au pied des marches :
« L’ambiance est estivale, ce soir ils vont sniffer dix grammes de came
Pendant qu’des smicards se battent pour des dédicaces de star »
Deux salles, deux ambiances… Mais côté VIP, l’opposition continue de manière plus hypocrite, et le malaise est encore plus grand :
« J’ai mis les pieds dans un monde étrange / Où l’on t’écrase gentiment / Avant qu’on t’étrangle / Avec un long métrage ».
Délicieux oxymore (2)… Dans ce grand cinéma, on met le petit peuple en boîte. Il étouffe, comme le montre cette seconde paréchèse (3) rappée de manière syncopée :
« Et quand t’es d’dans c’est emmerdant souvent c’est franc et blanc rêvant sûrement d’être dans des enterrements sur grand écran »
Ahans de porteur de palettes piétiné par une clique clinquante, qui ne craint pas le paradoxe, et n’hésite pas à « parler de banlieue au fond d’un fauteuil en velours ». Zip file la métaphore (4) dans une suite de paronomases (5) :
« Ici les requins se requinquent / On dirait qu’ils ont deux-cents dents / Qu’ils exhibent dans des regards condescendants / Tandis qu’on descend dans un océan d’indécence… »
Et les autres anonymes attirés par la fête sont livrés aux squales. Le scénario est réglé : « Des people / Qui picoleront / Quand la nuit tombera / Des ivrognes / Qui tripoteront / Des p’tites connes / Qui, pour ne pas faire des sitcom, / S’inventeront des diplômes / Se déguiseront en filles bonnes / Bien frivoles / Comme leurs idoles… » Voilà le cercle vicieux des strass et des paillettes…
Alors, les dents serrées, l’« invisible » concentre allitérations (6) et assonances (7) dans une belle formule rageuse :
« Mes songes sont remplis de rats qui rongent vos tapis rouges »
Ça part direct dans Les meilleures punchlines du rap francophone !
(1) La rime multi-syllabique (ou « multi ») est une rime interne, qui produit d’un vers à l’autre un écho sonore. (2) L’oxymore consiste à associer des termes de sens opposé, pour former une expression portant une signification particulière. Ce n’est pas une simple antithèse. (3) La paréchèse est une succession de sons identiques. (3) La métaphore filée prolonge une image (ici : « requins », « dents », « océan »). (4) La paronomase est l’emploi de mots de sonorité proche. (5) L’allitération est la répétition de sons produits par des consonnes. (6) L’assonance est la répétition de sons produits par des voyelles. Pour plus de précision sur ces figures de style, voir nos Exercices corrigés.
Paroles extraites de la chanson « Palme d’or ». Zippo, Zippo contre les robots, Strange Fruit, 2018. Vous pouvez acheter l’album sur ce lien. Pour suivre les aventures de l’homme-briquet sur Facebook, c’est par ici.