Textes & Scènes de Théâtre / Dialogues de Cinéma / Séries / Littérature / Philo / Poésie…
Image du film Portrait de la jeune fille en feu.
Élise est pompier pyromane, littéralement. Elle tente de mettre fin à cette addiction brûlante, mais son plaisir d’artiste est trop grand… (Le texte en anglais est suivi d’une traduction en français.)
ELISE: I want to stop. I really do. I’m trying. I really am. But I don’t think you understand. A fire is the most beautiful thing ever created. I dare you to show me a work of art that can rival a five alarm fire. You couldn’t do it. You just couldn’t. And I like art as much as the next person but I wonder always when I see a Van Gogh or a Rembrant–I imagine, as I’m sure you do, what it would look like on fire. That second before the painting caves in, that would be . . . it would be . . . incomparable. But sadly, I don’t think any of us will live to see it. We could burn prints, I suppose, cheap gift store prints, but it would just be paper. No melting paint, no disintegrating wood. It’s a waste.
There is nothing in this world like fire. At first it’s just a match, an idea, a spark, a little yellow flame, and it needs nurturing to grow to an inferno. Those oranges, those yellows, those cores of blue don’t just happen by themselves. They take planning. They take skill. They take love. I am not some Zippo-flicking fourteen year old—no. I am an artist. I can light a fire so precise all that’s left of the building is dust while the rest of the block is miraculously untouched. And of course, me and the boys are always around to come and put it out in case anything should happen.
ÉLISE. — Je veux arrêter. Je veux vraiment arrêter. J’essaie. Je vous jure. Mais je ne crois pas que vous compreniez. Un feu, c’est la plus belle création qui soit. Je vous défie de trouver une seule œuvre d’art qui rivalise avec un incendie de première classe. C’est impossible. Ça n’existe pas. Et pourtant, j’aime l’art, comme tout le monde ; mais, quand je suis devant un Van Gogh ou un Rembrandt, je m’imagine, et vous aussi sans doute, le spectacle qu’offrirait sa combustion. Juste avant que le tableau s’effondre sur lui-même, vous voyez ? Ce serait… ce serait… incomparable. Hélas, je crois qu’aucun de nous ne vivra assez vieux pour voir ça. On pourrait brûler des affiches, les posters à deux balles qu’on trouve dans les boutiques de cadeaux, par exemple, mais ce serait juste un feu de papier. Pas de peinture en fusion, pas de bois qui se désintègre… Aucun intérêt.
Rien au monde ne vaut un incendie. Au départ, il n’y a qu’une allumette, une idée, une étincelle, une petite flamme jaune ; mais elle demande de l’entretien pour se transformer en brasier. Tous ces oranges, ces jaunes, toutes ces touches de bleu n’apparaissent pas par magie. Il faut que quelqu’un les prévoie, avec art, avec amour. Vous comprenez, je ne suis pas une gamine de quatorze ans qui fait mumuse avec son zippo. Non. Je suis une artiste. Je peux allumer un incendie avec suffisament de précision pour qu’un bâtiment entier soit réduit en cendres, tandis que le reste du quartier reste miraculeusement intact. Et puis, bien sûr, on reste dans le coin avec mes gars, on est toujours prêts à éteindre le feu s’il y a le moindre problème.
Monologue contemporain pour une jeune femme extrait de la pièce Incendiary, écrite par Adam Szymkowicz. Traduction de Valentin Martinie. N’oubliez pas qu’il est impossible de travailler un texte sans l’œuvre complète.