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Herman J. Mankiewicz, surnommé « Mank » à Hollywood, est le scénariste méconnu de Citizen Kane. David Fincher nous raconte ici comment cet auteur alcoolique (joué par Gary Oldman) parvient in extremis à terminer le scénario de son chef d’oeuvre, tout en imposant à Orson Welles que son nom figure également au générique. Néanmoins, le portrait acerbe qu’il fait de ses contemporains ne lui attire pas que des sympathies… Dans cette scène, l’homme d’affaires et magnat de la presse William Randolph Hearst (joué par Charles Dance), qui a largement inspiré le personnage de Charles Foster Kane, remet son ex-protégé à sa place, au moyen d’une parabole cruelle… (Le texte en anglais est suivi d’une traduction en français.)
Are you familiar with the parable of the organ grinder’s monkey? Now, the organ grinder’s monkey is tiny in stature, and having been taken from the wild, he’s naturally overwhelmed by the enormous world around him. But every morning, a sweet elderly woman dresses him in a fine suit of clothes. She fits him with a red velvet vest adorned with pearl buttons and a handsome red fez with a silk tassel. She slips on brocade shoes that curl at the toe. And he’s paired with a fine gilt music box on an exquisite gold chain fastened to his neck and his neck alone. Whenever he ventures into the city to perform, he thinks: « What a powerful fellow I must be. Look how patiently everyone waits just to watch me dance. And wherever I go, he thinks, this music box must follow, and with it, this poor downtrodden man. And if I chose not to dance, this sorry street peddler would starve, and every time I do decide to dance, every time, he must play, whether he wishes to or not. »
Est-ce que vous connaissez la parabole du singe du joueur d’orgue de barbarie ? C’est l’histoire d’un joueur d’orgue mécanique et de son singe savant. Un singe minuscule, arraché à sa jungle natale, et qui, naturellement, est impressionné par les proportions du monde qui l’entoure. Seulement, tous les matins, une vieille dame aimable vient habiller notre ouistiti avec de magnifiques vêtements. Elle lui passe une veste de velours rouge ornée de boutons de perle. Elle le couvre d’un élégant fez carmin à gland de soie. Elle lui enfile des souliers de brocarts joliment recourbés à la pointe. Et pour couronner le tout, elle lui attache une boîte à musique étincelante, en reliant à son cou une merveilleuse chaîne en or, privilège dont il est le seul à jouir. Ainsi, de ville en ville, et à mesure que les numéros se suivent, il finit par se dire : « Je suis vraiment quelqu’un d’important ! Il n’y a qu’à voir cette foule qui patiente sagement pour me voir danser… Et, où que j’aille, pense-t-il, cette boîte à musique me suit, traînant encore ce pauvre homme que tout le monde méprise… Le malheureux mendiant… Il suffit que j’arrête de danser pour qu’il meurt de faim. Et si je me mets à danser, le voilà condamné à tourner sa manivelle, que ça lui plaise ou non. »
Monologue extrait du film Mank, réalisé par David Fincher. N’oubliez pas qu’il est impossible de travailler un texte sans l’œuvre complète.