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Martin Eden est un marin de vingt ans débordant de vitalité. Il tombe amoureux de Ruth et des raffinements apparents de la bourgeoisie d’Oakland. Pour plaire à l’étudiante en Lettres, Martin se plonge corps et âme dans la grammaire et les connaissances livresques. Et cette découverte des beautés de l’esprit lui inspire un projet : pour conquérir Ruth, il va devenir écrivain !
Martin s’observe longuement dans le miroir.
MARTIN : Qui es-tu, Martin Eden ? Qui es-tu ? Où est ta place ? Ta place est avec des filles comme Lizzie Connolly. Ta place est avec les légions qui besognent, avec tout ce qui est vil, vulgaire et laid. Ta place est au côté des boeufs, des bêtes de somme, dans la saleté et la puanteur. Ah, les relents de ces légumes moisis ! De ces patates qui pourrissent ! Sens-les, pauvre imbécile, sens-les ! Et pourtant, tu oses ouvrir des livres, écouter de la belle musique, tu oses apprendre à aimer de beaux tableaux, à parler un anglais châtié, à penser comme personne ne pense dans ton milieu, à t’arracher aux bêtes de somme et à Lizzie Connolly et à t’enticher d’une sylphide qui vit dans les étoiles, à des millions de miles de toi ? Qui donc es-tu ? Et qu’es-tu exactement ? Pauvre imbécile ! Tu crois vraiment pouvoir réussir ?
Il brandit le poing contre son image dans le miroir et s’assied au bord du lit pour rêver un instant les yeux grands ouverts. Puis il sort un cahier et son algèbre, et se perd dans des équations du second degré. […]
Monologue extrait du roman Martin Eden, de Jack London, traduction de Philippe Jaworski, folio classique, p. 162-163. N’oubliez pas qu’il est impossible de travailler un texte sans l’œuvre complète. Vous pouvez commander le livre dans une librairie proche de chez vous (ou le télécharger au format numérique) sur ce lien : PlaceDesLibraires